L’industrie pharmaceutique est l’une des plus profitables au monde, malgré l’absence presque totale d’innovation, et donc en contradiction avec les postulats du néolibéralisme. Mais passons, puisque celui-ci n’est pas à une contradiction près, ni ne s’effondre à cause de ses contradictions (comme le pensait Marx). Je reprends ce cliché uniquement pour dire qu’il peut être judicieux de suivre la tactique boursière de l’industrie, pour déchiffrer les tendances et voir ce que nous réserve l’avenir…
Et puis, allez savoir, il y a peut-être des investisseurs parmi les lecteurs de Pharmacritique… Ils seront contents d’apprendre que miser sur d’éventuelles techniques de prévention du cancer, qui élimineraient par exemple les causes environnementales de cancers, relève toujours de la perte assurée, alors que l’industrie du cancer, elle, se porte comme un charme. De nos jours, il est beaucoup plus rpfitable d’organiser un surdépistage des cancers, dans ce qu’on peut appeler un « abus de prévention », et de surmédicaliser et surmédicamenter des bien-portants chez lesquels des techniques radiologiques très performantes découvriraient une lésion non problématique, non symptomatique.
C’est là que se trouve l’argent, dans cette industrie qui commence par le surdépistage soutenu par les leaders d’opinion, les sociétés savantes sponsorisées, les associations de patients elles aussi sponsorisées et instrumentalisées… Tout comme la possibilité de faire bien plus de profits autour de cette industrie du cancer.
La calculette Roche (photo tiré du blog Drug Rep Toys), offerte généreusement par la firme aux médecins (pour qu’ils n’oublient pas les produits de quel laboratoire ils doivent prescrire), tombe on ne peut mieux pour calculer les dividendes et autres profits… Décidément, Roche pense à tout. Surfons ensemble sur la vague du cancer, elle n’est pas près de retomber! semble dire la firme. Qui ne fait rien pour qu’elle retombe, mais cela, tout le monde l’aura déjà compris depuis belle lurette…
Marianne nous annonce la tendance dans une brève du numéro 588 (26 juillet), intitulée « Crabe boursier » : « Le laboratoire pharmaceutique suisse Roche investit 43,7 milliards de dollars pour acheter la totalité des parts de sa filiale américaine Genentech, spécialisée dans le traitement du cancer. Alors que la plupart des valeurs liées aux hydrocarbures s’effondrent, le cancer, qui leur doit beaucoup, demeure un placement d’avenir« .
Et quel traitement du cancer ! Nous avons vu ce dernier temps une ribambelle de pseudo-traitements qui coûtent les yeux de la tête – et ceux de la tête du voisin – pour éventuellement prolonger la vie des malades de quelques semaines ou alors de quelques mois. Dans le genre des anticorps monoclonaux tels que Avastin [bevacizumab] et même Herceptin [trastuzumab].
L’article de La Tribune (Roche rachète sa filiale Genentech pour 43,7 milliards de dollars), le dit de façon probablement involontaire : « Genentech a fourni à Roche des succès commerciaux, tels que le Rituxan, l’Avastin ou encore l’Herceptin des médicaments anti-cancer. » Des succès commerciaux, oui. Pas thérapeutiques. Nuance. Mais il ne faut pas trop demander, semble-t-il.
Et puis ne disais-je pas que la confiance, l’effet placebo et toute une série de facteurs tels l’image de marque, l’illusion, l’automystification, etc. servent aussi dans la façon du malade de gérer la maladie ? Le prix élevé contribue peut-être à l’effet placebo… (Il me semble même avoir lu quelque chose de ce genre; je tâcherai de retrouver la référence).
J’entends déjà les critiques : il ne faut pas raisonner en termes comptables, parler d’argent, etc., lorsqu’il s’agit de la souffrance humaine. Les mêmes reproches sont faits à longueur de journée aux critiques des vaccins anti HPV Gardasil et Cervarix, dont le prix est à la hauteur des inconnues scientifiques les concernant… Mais ceux qui veulent ressortir cette même rengaine se trompent de destinataire : c’est à l’industrie pharmaceutique qu’ils doivent adresser ces reproches. Pour que les firmes baissent leurs prix. L’adresse de Roche se trouve sur son site. Celle de Genentech sur le sien.
N’est-ce pas merveilleux de pouvoir dormir sur les deux oreilles, sachant qu’en cas de besoin – que dis-je ! dans tous les cas ! -, on a des firmes pharmaceutiques très performantes ! En bourse, s’entend, pas dans le progrès thérapeutique, qui n’existe plus. Mais de nos jours, c’est cela la valeur sûre, non ? Le cancer est lui-même un roc – voire un mur Rocheux parmi toutes ces maladies qui risquent de guérir et de ne plus rapporter d’argent… Imaginez qu’on fasse de la vraie prévention, qu’on arrive à éviter bon nombre de cancers en éliminant des agents cancérigènes produits et/ou utilisés par les industries pétrolière, agro-alimentaire, chimique, automobile, pharmaceutique, et j’en passe… Imaginez qu’on élimine tous les médicaments cancérigènes, en plus des pesticides, des produits de Monsanto, des dioxines, des polluants oncogènes, etc.
Ô misère! Ô tremblement! (Les) Roche(s) risquerai(en)t de s’écrouler…
Mias ce n’est pas demain la veille que les conflits d’intérêts disparaîtront – et le surdépistage et la surmédicalisation des cancers aussi.
Elena Pasca
Alors, deux choses.
1) L’action Roche a perdu 10% en un an, et a gagné 3,5% en trois ans. Je ne parlerai donc pas de mine d’or boursière, mais plutôt d’un investissement fort médiocre.
2) Parler d’Avastin et d’Herceptin en disant que ces médicaments n’ont pas apporté grand chose au traitement du cancer, voire que ce sont des placebos, c’est proprement ahurissant. Ce sont des traitements révolutionnaires, par rapport aux chimiothérapie. Ils ont sauvé beaucoup de vie. Allez sur les forums genre doctissimo où des patients dialoguent. Renseignez-vous auprès de medecins « objectifs », lisez des études cliniques. Ne dites pas de conneries plus grosses que des montagnes. Je ne vous souhaite pas d’avoir un jour cette maladie, vraiment. Pourtant, vous changeriez de discours en moins de 30 secondes.
Cet article est une mine de contre-vérités.
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Avastin a de nombreux effets indésirables qui fait que dans beaucoup d’indications il fait plus de mal que de bien, ce qui fait dire à Prescrire: pas d’accord.
Herceptin apporte peu de choses et a une toxicité pulmonaire notamment
ce ne sont en aucun cas des traitements révolutionnaires encore moins miraculeux, même s’ils sont présentés comme tels par les labos et les leaders d’opinion payés par eux.
Lire Prescrire:http://www.prescrire.org/bin/m/index.php et tapez avastin
herceptin
Donc ce que dit Pharmacritique (Nous avons vu ce dernier temps une ribambelle de pseudo-traitements qui coûtent les yeux de la tête – et ceux de la tête du voisin – pour éventuellement prolonger la vie des malades de quelques semaines ou alors de quelques mois. Dans le genre d’Avastin [bevacizumab de son doux nom] et même du Herceptin [trastuzumab].) est tout à fait juste!
Cordialement
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réponse à Pilou,
Médecin généraliste en France, je suis malheureusement d’accord avec l’article de Pharmacritique. Nombreuses ont été par le passé les découvertes révolutionnaires concernant les traitements du cancer. A peu de chose près les chances de survie à 5 ans de cancers au même stade sont les mêmes qu’il y a 20 ans, et cela malgré les traitements révolutionnaires anticancéreux. En fait l’amélioration apparente des « chiffres » tient au dépistage précoce de dysplasies ou de carcinomes in situ dont une bonne part guérissent spontanément ou sont taxés à tort de cancer (comme les dysplasies avancées du col de l’utérus).
Quant à ce site Doctissimo qui vantait encore il y peu un produit alors retiré du marché ACCOMPLIA traitement miracle de l’obésité, du diabète et du cholestérol, bref une nouvelle panacée, site donc appartenant au groupe Lagardère (me semble-t-il), hébergeant (gratuitement???) des pubs de produits des firmes pharmaceutiques, site sur lequel vous vous référencez, moi-même après l’avoir consulté de nombreuses fois, je n’en ferais pas la publicité… Mais peut-être y avez-vous quelques intérêts? Au moins Pharmacritique ne vit de rien, est hébergé courageusement par un journal qui vit de la pub. Choisissez vos amis…
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