Ce médicament pourrait bien être un nouveau Vioxx, vu l’estimation faite par l’agence américaine du médicament sur les attaques cardiaques attribuées à Avandia. L’information vient d’être rendue publique en France par un article que j’ai publié initialement sur le site du Formindep, avant de le reprendre ici. Voici le texte original, suivi d’explications et de liens informatifs.
« Rosiglitazone – Avandia©. Un médicament de la firme GSK aurait provoqué des dizaines de milliers de crises cardiaques »
« 83 000 crises cardiaques supplémentaires depuis l’homologation de la rosiglitazone (Avandia®), selon des estimations de la FDA citées par la Commission des Finances du Sénat des Etats-Unis.
La Commission des Finances du Sénat des Etats-Unis estime que la « culture de direction » des firmes pharmaceutiques et de la FDA, administration étatsunienne du médicament, fait trop souvent appel à l’intimidation.
La Commission des Finances, responsable des programmes publics d’assurance maladie, a un droit de regard sur les activités des agences fédérales de santé publique. Suite à la publication d’une étude sur les risques cardiovasculaires de la rosiglitazone, alias Avandia® dans le traitement du diabète de type 2 [1], cette commission a diligenté une enquête en deux volets, l’un portant sur les silences de la FDA, l’autre sur celui de la firme GlaxoSmithKline [GSK] qui commercialise ce médicament.
Un communiqué de presse de la Commission des Finances avait dénoncé dès le mois de juillet 2007 les pressions subies par les deux scientifiques de la FDA qui avaient attiré l’attention sur ces effets secondaires et demandé l’attribution d’un “label noir” [2] à la rosiglitazone. C’est sous la pression de la Commission des Finances que ce “label noir” a été enfin concédé par les experts de la FDA.
Grâce au rapport rendu public il y a une dizaine de jours, le public a pu apprendre que ces risques étaient connus par la firme GSK dès la mise sur le marché du médicament.
La firme a étouffé la vérité jusqu’à l’enquête de la Commission des Finances, en réduisant au silence l’un de ses propres conseillers : le Dr John Buse, universitaire spécialiste du diabète et investigateur de la rosiglitazone. Il avait attiré l’attention sur les risques cardiovasculaires lors de conférences publiques début 1999. La firme GSK dément toute pression, mais les documents internes réunis pas la Commission des Finances prouvent qu’il y a eu non pas une action d’intimidation isolée, mais un « un plan orchestré » pour faire taire le Dr Buse, conçu et mis en œuvre avec l’accord du PDG de la firme GSK.
Un détail significatif montre que le financement de la formation médicale continue par les firmes sert à contrôler l’information de tous les côtés : l’un des moyens de pression de la firme GSK sur le Dr Buse a été la menace d’arrêter le financement de plusieurs programmes en cours dans ses institutions d’affiliation… Chantage efficace.
Le chercheur avait attiré l’attention de la FDA sur ces risques, mais le seul résultat a été une intensification des pressions de la firme GSK à son encontre. Dans sa conclusion, le rapport de la Commission des Finances s’inquiète de ces méthodes douteuses qui semblent faire partie de la « culture de direction » des firmes pharmaceutiques, puisque le cas du Dr Buse n’est pas isolé.
Il en est de même pour la FDA, selon le sénateur Grassley : « Il est temps d’arrêter ces pratiques dangereuses et répétitives de la FDA qui tue le messager quand elle n’est pas contente du message ». La Commission poursuit ses investigations.
Les sénateurs ont rendu publiques des estimations faites par des scientifiques de la FDA : 83 000 crises cardiaques seraient attribuées à ce médicament depuis sa mise sur le marché. Aucune donnée n’est disponible en France, où nulle commission n’enquête sur de telles pratiques.
Notes
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[1] La rosiglitazone est commercialisée depuis 2002 en France par la firme GSK sous ce même nom d’Avandia®. Elle fait partie de la classe des glitazones ou thiazolidinediones, commercialisés pour le traitement du diabète de type 2. L’accroissement du profil des effets indésirables de cette classe de médicaments (fractures, accidents cardiaques, cancers de la vessie, etc.) associé à l’absence de résultats réellement favorables sur les critères cliniques du diabète amènent la revue Prescrire à conclure : « pas de glitazones pour les patients diabétiques » (Prescrire, mai 2007, 27 (283) : page 333)
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[2] Le “label noir” ou « black label warning » ou “black box warning” est une mention obligatoire encadrée par un liseré noir qui est apposée aux Etats-Unis sur chaque boîte d’un médicament pour lequel existent des effets indésirables graves. C’est l’avertissement le plus fort exigé par la FDA »
Merci à Philippe Foucras, président du Formindep, qui a rajouté les notes.
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Complément d’information. Que savait-on déjà?
Actualisé en 2006 en Europe, le RCP (résumé des caractéristiques du produit) d’Avandia – rosiglitazone regorge déjà d’effets secondaires très sévères. Jugez par vous-mêmes ces quelques extraits du Vidal (qui n’est pourtant pas un monument de loquacité, c’est le moins qu’on puisse dire…) :
Insuffisance cardiaque provoquée ou aggravée, ischémie myocardique, aggravation du diabète (exactement ce qu’on attend d’un mé
dicament antidiabétique, n’est-ce pas ??), rétention d’eau et oedèmes, y compris pulmonaires, troubles hématologiques, troubles du métabolisme et de la nutrition, prise de poids parfois rapide et excessive, hépatotoxicité sous formes diverses (parfois mortelles), troubles oculaires, troubles du système immunitaire, troubles osseux (fractures), déséquilibre hormonal, dyslipidémie, dyspnée, troubles gastro-intestinaux, troubles neurologiques divers, asthénie, anémie, douleurs musculaires…
Et voici le RCP établi par l’EMEA (agence européenne du médicament). Il y avait déjà pas mal de mises en garde et précautions.
En mai 2007, juste avant la parution des études très alarmantes sur l’incidence des attaques cardiaques, la revue « PRESCRIRE » consacrait un dossier aux « glitazones », classe à laquelle appartient Avandia (rosiglitazone). Le titre dit clairement les choses: « Ni seules, ni associées : pas de glitazones pour les patients diabétiques. En pratique, les patients et les soignants ont intérêt à se passer des glitazones »
A quoi aurait dû servir Avandia?
Une des raisons majeures de prescrire un traitement antidiabétique est d’éviter les risques cardio-vasculaires. C’est un concept médical novateur que de prescrire un médicament qui augmente les risques et provoque lui-même les complications qu’il était censé empêcher…… Il y avait déjà l’insuffisance cardiaque, l’ischémie myocardique et d’autres « douceurs », mais maintenant que les attaques cardiaques s’ajoutent au reste… Ca passe du risque à l’acte. Que dis-je ? A l’attaque !
Alors à quoi sert Avandia ?? Je veux dire à part augmenter les profits du laboratoire GSK et de ses actionnaires ? A faire des économies à la Sécu en palliant à l’absence de canicule?
Que disent nos vénérables autorités sanitaires?
Devinette trop facile!! Elles sont semblables à elles-mêmes et persévèrent dans leur vertus: elles ne disent rien! Motus et bouche cousue !
Ce qui en dit long sur la transparence de l’information médicale en France et la désinformation des médecins et des patients non seulement par les laboratoires mais aussi par ces autorités sanitaires que l’argent des contribuables paie … euhhh, c’était pourquoi déjà ?? Ah oui, pour autoriser dare-dare les médicaments que les laboratoires lui proposent ! Et pour réaffirmer de temps en temps qu’ils sont efficaces et bien tolérés. Même quand d’autres ne les tolèrent pas, nous, Français, ce n’est pas pareil ! La tolérance, vertu sanitaire française…
Vous ne le saviez peut-être pas : Il y a toxicité et toxicité !!
Ce qui est toxique pour les autres ne l’est pas pour les Français. Nous avons certainement un gène protecteur, un bouclier intégré aux circuits biologiques depuis la potion magique d’Astérix… Et l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) veille à ce qu’on ne nous dérange pas avec des histoires qui font peur. C’est grâce aux pouvoirs magiques de nos autorités sanitaires et de nos gènes 😉 que tout scandale sanitaire s’est toujours arrêté aux frontières de la France, comme le nuage de Tchernobyl.
A la recherche d’un Charles Grassley français…
Etonnamment, le sénateur Charles Grassley est l’un de ceux qui ont reçu le plus d’argent de l’industrie pharmaceutique pour financer sa campagne… Mais c’était avant le scandale du Vioxx (rofécoxib: un anti-inflammatoire du laboratoire Merck responsable de dizaines de milliers de crises cardiaques, dont bon nombre ont été fatales), avant qu’il réalise que le lanceur d’alerte du Vioxx, le Dr David Graham, était menacé par sa hiérarchie et par l’industrie pharmaceutique pour avoir osé tirer la sonnette d’alarme.
Depuis la rencontre avec David Graham, Grassley devient le « protecteur » officiel des lanceurs d’alerte, pour lesquels il met en place une ligne de fax réservée à des alertes de santé (mais pas seulement). Il annonce à la presse et aux laboratoires que celui qui s’en prend à Graham aura à faire à lui.
Sunshine Act, un projet révolutionnaire.
Espérons qu’il aboutira et fera école dans tous les pays dotés d’un système de santé digne de ce nom
Depuis, son comportement vis-à-vis des laboratoires change du tout au tout. Il sera le principal auteur et promoteur d’un projet révolutionnaire dans son genre: le Physician Payment Sunshine Act, un dispositif législatif exigeant la transparence sur les conflits d’intérêts des médecins avec l’industrie pharmaceutique, la déclaration publique sur un site en libre accès de tout montant ou cadeau dépassant 50 dollars offert par un laboratoire à un médecin. Plusieurs variantes sont discutées, et les détails peuvent donc varier.
En tout cas, la déclaration publique reste le principe fondamental de toutes les variantes du Sunshine Act, agrémentée d’autres exigences sur la transparence sur d’autres formes de conflits d’intérêts qu’il peut y avoir entre les médecins et les laboratoires ou entre divers acteurs du système de santé et de soins. Aux Etats-Unis, il y a par exemple très souvent ce qu’on appelle un « self referral« : l’envoi d’un patient à une clinique ou à un cabinet dont le médecin prescripteur est propriétaire ou actionnaire.
Il y a aussi des liens d’intérêts dans le circui
t du médicament, avec les divers grossistes qui desservent les grands programmes d’assurance-maladie spécialisés (le programme de protection sociale des anciens combattants (Veteran Affairs), le programme de couverture maladie des personnes âgées et handicapées et des malades chroniques (Medicare), le programme destiné aux plus pauvres et ceux qui n’ont pas d’assurance-maladie de par leur employeur (Medicaid), etc.
A quand un Sunshine Act en France?
Selon Grassley, la lumière du soleil (sunshine) est le désinfectant idéal pour nettoyer les abcès dangereux pour la santé individuelle et publique que sont les conflits d’intérêts des professionnels de santé. Faire la lumière, c’est rendre public, permettre la compréhension des risques et donc la réflexion sur la manière de changer le système pour les contrecarrer, pour éviter des catastrophes sanitaires telles le Vioxx, mais aussi d’autres qui l’ont précédé: rappelons-nous le scandale du Baycol ou du Distilbène… Il a fallu des décennies pour interdire le Distilbène, et au moins trois générations de femmes sont touchées par ses effets secondaires.
Grassley est un sénateur de droite, très conservateur, au sens américain du terme. Autrement dit, mes convictions n’ont rien à voir avec les siennes. Et pourtant, je le donne en exemple, parce que c’est cela que j’appelle un homme politique responsable, conscient de son devoir de contribuer à une législation qui protège la santé des citoyens d’un pays et la place avant les intérêts économiques.
Elena Pasca
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