« Pertinence des prescriptions médicamenteuses »: des critères simples et efficaces. « Prescrire hors AMM ? »

Après quelques remarques de mon cru, sur la médecine organisée et la désorganisation d’un système de santé sans évaluation, la liberté de prescription, etc., je reprends deux textes avec l’aimable autorisation de leur auteur, le Pr de pharmacologie sociale Jean-Louis Montastruc. La photo accompagne une interview qu’il a donnée au Figaro et qui vaut elle aussi le détour: « Il faut revoir l’évaluation des médicaments » (28/09/10), comme ses autres écrits et prises de position.

Le texte intitulé « Pertinence des prescriptions médicamenteuses » est paru dans le N° 3 du Bulletin d’informations de pharmacologie (BIP 31) du Service de Pharmacologie clinique du CHU de Toulouse (BIP31.fr 2011, 18 (3), p. 26-27), dont je conseille vivement la lecture, y compris par les usagers. Le BIP 31 fait partie de l’ISDB (International Society of Drug Bulletins), l’union des revues pharmacologiques indépendantes.

L’auteur est Jean-Louis MONTASTRUC, professeur de pharmacologie, chef de ce service et responsable du Centre régional de Pharmacovigilance de Midi-Pyrénées. (Je reviendrai en détail sur ses diverses activités dans un autre article).

Je reproduis aussi un autre article du Pr Jean-Louis Montastruc, paru dans le même numéro du BIP 31 (page 27) sous le titre « Prescrire hors AMM ? », puisqu’il est directement lié au premier et se rapporte aussi aux débats actuels sur l’encadrement de la prescription hors AMM [autorisation de mise sur le marché], c’est-à-dire en dehors des indications pour lesquelles tel médicament a été autorisé par l’agence du médicament AFSSAPS (future ANSM). 

La question de la liberté de prescription des médecins, de ce qu’ils entendent par « liberté » et de ce que cela devrait signifier dans un système rationnel de soins, centré sur un usage rationnel du médicament, est elle aussi compliquée à souhait, comme le souligne le Jean-Louis Montastruc en citant le Code de déontologie. Pour ma part, je l’ai abordée, sous un autre angle, dans quelques paragraphes d’un article sur les conflits d’intérêts dans les recommandations de bonne pratique, interrogeant sur les risques qu’il y aurait à voir les recommandations devenir opposables et la liberté de prescription ainsi restreinte. Ce sont deux facettes d’une même question.

Sur ce sujet comme sur bien d’autres, il faudrait faire une distinction qui n’est habituellement pas faite et mène à des confusions et à des fausses controverses: la distinction entre un principe et ses diverses applications historiques, plus ou moins appropriées, plus ou moins bonnes, plus ou moins applicables dans l’exercice quotidien de la médecine et de la prescription. Si le principe d’un référentiel pour la pratique médicale, le principe de l’existence même de recommandations de bonne pratique me paraît rationnel et défendable, ses diverses applications peuvent ne pas l’être. C’est le cas de recommandations déformées par des conflits d’intérêts et d’autres biais. Il ne faudrait pas rejeter le principe parce qu’il a été mal appliqué.

La liberté de prescription peut – et même doit – compenser de telles déformations, comme je le disais dans l’article cité. Et la « médecine organisée » devrait user de son influence pour corriger les référentiels. Sauf que nous ne sommes pas dans un système rationnel, mais dans un système où les organisations sont elles-mêmes impliquées dans la formalisation de tels biais, comme avec l’ordre des médecins qui « gère » l’imbrication de la médecine avec l’industrie pharmaceutique et ne veut pas renoncer à l’argent de celle-ci pour la formation médicale continue, par exemple…

Quoi qu’il en soit, cette liberté de prescription ne devrait pas être synonyme d’arbitraire, d’absence de responsabilité et de prise en compte des conséquences des actes médicaux. Bien au contraire.

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Quelques remarques préliminaires

J’ai évoqué à plusieurs reprises le paradoxe du système français de santé et de soins, dans les notes sur le système de soins, la privatisation, la protection sociale, l’hôpital public, l’université Sarl, ou encore sur les partenariats public-privé. Un paradoxe qui fait que nous avons en France une médecine organisée très influente (ordre des médecins, syndicats, sociétés savantes…).

Mais l’influence n’est pas utilisée pour construire un système de santé et de soins organisé, de qualité, rationnel et coût/efficace. Car sur un plan systémique, c’est la désorganisation qui domine, les activités isolées des divers acteurs et la fragmentation.

Au point qu’un excellent connaisseur et analyste se demande si l’on peut parler, en France, de système et d’organisation (c’est le sujet d’un article à venir).

« Médecine socialisée » est l’appellation donnée à un système tel que le nôtre par des professionnels de santé des pays anglo-saxons. Or si elle flatté notre ego, force est de constater qu’elle est illusoire et non conforme, car l’existence d’une assurance-maladie publique ne suffit pas pour être à la hauteur d’une telle prétention. Et les autres composantes d’une « médecine socialisée » digne de ce nom ne sont pas présents, ne sont pas appliqués ou alors avec beaucoup de discordances. L’universalité que l’on aime imaginer – et que les interlocuteurs étrangers présupposent – n’existe pas. Ni l’accès universel aux soins, ni une certaine égalité des chances par une qualité à peu près homogène des soins pour tout le monde. La part des déterminants économiques reste très importante dans l’accès aux soins, avec des inégalités socio-économiques en santé qui persistent, voire se creusent. Le « capital culturel » a lui aussi une certaine importance dans l’obtention, dans un délai acceptable, d’une prise en charge de qualité et à peu près adéquate.

La médecine est organisée non pas tant en un système lisible, intelligible, évaluable, réformable, mais plutôt en une multitude de sous-systèmes plus ou moins puissants. L’absence d’organisation lisible et les disparités font que la médecine organisée agit surtout comme un facteur de blocage (l’un des principaux, mais pas le seul), pour maintenir une dispersion et une co-existence de niveaux et de pratiques décidés arbitrairement par les professionnels. Ces constellations satisfont la logique néolibérale, basée sur la compétition, sur l’esprit d’entreprise d’un marché qui se pense libre et dont on attend qu’il s’autorégule, tout en sollicitant les deniers publics des contribuables à tous les niveaux…

L’offre médicale crée la demande. C’est particulièrement vrai pour toutes les formes de disease mongering, décrites dans la catégorie dédiée. Les prescriptions sont le moyen privilégié d’entretenir le cercle vicieux qui se crée. Avec un effet domino, effet de prescription en cascade, une fois qu’on s’est adapté à la logique néolibérale incluant le consumérisme des deux côtés de la dyade médecin-patient. Le terme « cascade de prescription » est à considérer de plusieurs points de vue.

Ce n’est pas pour rien que l’industrie pharmaceutique cherche par tous les moyens à obtenir les données sur les comportements des médecins et leurs traductions en pratique par les ordonnances. Faire du « data mining », payer pour savoir et influencer les prescriptions, le comportement des médecins, ce qui revient à corrompre leur jugement puis comportement de mise en pratique. La corruption veut aussi dire altération du jugement, sous l’effet d’influences, de biais, de l’impact des formes de communication d’influence, stratégies de désinformation et tous les autres aspects du ghost management. Le néolibéralisme a renforcé la tendance : tout problème est réinventé dans l’optique de la médicalisation et surmédicalisation, afin d’arriver à ce qui compte (pour ramener de l’argent comptant) et est présenté comme la solution simple et automatique : le médicament. La médecine se réduit quasiment à la prescription. Même la prévention est d’emblée conçue comme pharmacologique. Nous avons été persuadés de nous jauger, quantifier, mesurer, comparer (à autrui ou à notre jeunesse ou à une moyenne abstraite) et nous situer toujours dans l’antichambre de la maladie : dans le pré-maladie. Pré-diabète, pré-obésité, pré-hypertension, pré-ostéoporose, pré-ménopause, même si ce ne sont là, la plupart du temps, que des facteurs de risque ou des états physiologiques liés au vieillissement, par exemple. Les femmes sont les premières cibles du disease mongering, de la médicalisation et surmédicalisation, donc les publicités et les diverses formes de la communication d’influence sont souvent taillées sur mesure et utilisant les « codes du féminin », ceux instaurés comme tels par les idéologues et les marchands de tous bords.

Ce qui inclut les alternopathes du complexe naturo-psycho-holistique. D’autant plus que la psychanalyse et la psychopharmacologie se complètent (aussi avec les produits hormonaux, à commencer par les contraceptifs) pour engluer les femmes dans des représentations sociales et des représentations de soi en adéquation avec les cases et les rôles impartis dans et par un système au sexisme inhérent, à la misogynie et gynophobie profondément incrustées partout. Ce type de « prise en charge » qui réduit aux rôles normalisateurs est le meilleur outil d’un ghost management (Sergio Sismondo) de tous les instants et à tous les niveaux de la vie d’une femme. Dans son corps marchandisé, avec un esprit dont le potentiel d’émancipation est empêché par toutes les doctrines qui ont besoin des femmes en « position féminine » (Jacques Lacan) et auxquelles l’individualisme néolibéral permet d’agir sans restrictions.

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La fragmentation typique du capitalisme et renforcée par la désorganisation de notre système de santé et de soins en sous-unités ayant toutes des velléités d’indépendance et d’auto-régulation, empêche toute vue d’ensemble, toute évaluation, tout contrôle, toute tentative de corriger les pratiques non productrices de santé (voire délétères), qui permettraient d’aboutir à des soins de meilleure qualité – que nous sommes en droit d’exiger, au vu des sommes investies par l’Etat et la communauté.

L’évaluation des pratiques professionnelles se heurte toujours à des résistances très fortes, dès qu’elle va au-delà des déclarations d’intention. Il est mal vu, surtout de la part d’un usager, de poser la question du rôle des médecins dans la surmédicalisation et surmédicamentation et de leur responsabilité pour les conséquences (dépenses inutiles et non productrices de santé, iatrogénie…). Pourtant, ce sont bien les médecins qui prescrivent et il sera impossible de passer sous silence à l’infini leur rôle et leur responsabilité. Mais comment le font-ils et avec quels résultats en termes de qualité?

En attendant qu’il y ait une véritable évaluation des pratiques professionnelles, de la pertinence et des conséquences de l’ensemble des actes médicaux, mais aussi un contrat collectif redéfinissant les pratiques, ces deux textes écrits par un médecin s’adressent aux médecins pour les faire réfléchir, en termes simples, efficaces et immédiatement applicables, aux dimensions élémentaires à prendre en compte lorsqu’ils rédigent une ordonnance, voire même pour qu’ils se demandent si la meilleure attitude à avoir dans certains cas n’est pas de « déprescrire ». C’est dans ce sens que va aussi la réflexion d’un autre pharmacologue, le Pr Pierre Biron, dans l’article sur l’acharnement dans une « prévention » réduite à son sens pharmacologique chez les personnes âgées dans les unités de soins de longue durée.

Déprescrire, réfléchir aux interactions médicamenteuses, aux conséquences à long terme, ne pas simplement rajouter un médicament à la liste sans la remettre en question, ne pas faire d’abus de prévention – tout cela demande un changement de mentalité. Bien évidemment, il faudra éduquer les patients à sortir de la situation actuelle, où les médecins ont la gâchette facile et multiplient les actes, comme les y encourage le paiement à l’acte et même le CAPI (contrat d’amélioration des pratiques individuelles).

Elena Pasca 

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« Pertinence des prescriptions médicamenteuses » 

Par le Pr Jean-Louis Montastruc

(BIP31.fr 2011, 18 (3), pp. 26-27)

« Le 7 septembre 2011, le directeur Général du CHU de Toulouse, Monsieur Jean-Jacques Romatet, lançait une grande campagne sur «la Pertinence des Actes ». A cette occasion, il a demandé au service de Pharmacologie Clinique une intervention sur « la Pertinence des Prescriptions Médicamenteuses ». Nous présentons ici un résumé de cette intervention.

Selon le dictionnaire Larousse, le mot pertinence évoque, d’une part, une compétence et, d’autre part, le caractère approprié à son sujet. Ainsi, pour nous pharmacologues, prescrire de façon pertinente, c’est prescrire avec parcimonie, attention, compétence et finalement indépendance.

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1-Prescrire avec Parcimonie

La première question concerne l’utilité du médicament. La prescription médicamenteuse est-elle véritablement utile ? Que se passerait-il si je ne prescrivais pas le médicament ? Il faut tenir compte de l’évolution naturelle de la maladie avec une guérison spontanée de nombreux symptômes. Il convient aussi de réfléchir aux alternatives non médicamenteuses.

Prescrire avec parcimonie, c’est également éviter les ordonnances trop lourdes, sources d’interactions médicamenteuses fréquentes à l’origine d’effets indésirables graves et imprévisibles. Les interactions médicamenteuses ne sont connues en pharmacologie que 2 à 2 : au-delà, c’est-à-dire dès l’association de 3 médicaments, on ne connaît absolument pas les conséquences de la prescription. Ceci a fait dire il y a quelques années, sous forme de boutade, au Professeur Georges Peters, médecin pharmacologue et homme politique suisse (1920-2006) : « 1 médicament, ça va ; 2 médicaments, c’est possible ; 3 médicaments, surveiller le malade ; 4 médicaments, surveiller le médecin ; 5 médicaments, hospitaliser le médecin ! »

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2-Prescrire avec Attention

Aussi curieux que cela puisse paraître, il faut savoir ce que l’on prescrit. Ceci est une occasion supplémentaire de rappeler la nécessité de prescriptions en DCI, les suffixes indiquant très clairement les classes pharmacologiques auxquelles appartiennent les médicaments. Prescrire en DCI permet d’éviter également les associations fixes commerciales, source d’interactions médicamenteuses majeures. Il faut savoir également à qui on prescrit en personnalisant la prescription chez les sujets à risque : sujets âgés, femmes enceintes ou allaitantes, poly-pathologie, poly- médication…

Prescrire avec attention signifie également bien rédiger l’ordonnance. Celle-ci doit être écrite par un médecin sénior en proscrivant les ordonnances systématiques pré-remplies et en rédigeant de façon simple, lisible, compréhensible par le malade.

Il faut enfin savoir adapter régulièrement le traitement tout au long de la maladie, en fonction de l’évolution du patient mais aussi de la survenue des effets indésirables. Cette activité doit être celle de tous les médecins, y compris les spécialistes qui ne doivent pas se contenter de la seule prescription dans leur domaine : ils doivent vérifier les autres médicaments co-prescrits en veillant tout particulièrement aux interactions médicamenteuses.

Toute bonne ordonnance a une fin. Sachons retirer les médicaments superflus en évitant les traitements à vie. Que le prescripteur n’hésite pas aussi à « déprescrire » !

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3-Prescrire avec Compétence

La formation continue sur le médicament est une absolue nécessité pour le professionnel de santé qui, face aux 10 000 médicaments disponibles en France, doit se constituer (et actualiser) une liste personnelle généralement estimée à une centaine de produits. Pour ce faire, quelques connaissances pharmacologiques simples sont utiles : connaissance de la classe pharmacologique (à bien distinguer de la classe thérapeutique), analyse critique de la littérature en connaissant les distinctions (largement présentées par ailleurs dans BIP31.fr) entre efficacy et effectiveness, critère intermédiaire et critère clinique, essai de supériorité versus essai d’équivalence…et en se méfiant de la logique intuitive : par exemple, ce n’est parce qu’un médicament est qualifié d’antidépresseur qu’il est actif dans tout type de dépression comme l’ont montré récemment des études dans la maladie d’Alzheimer où certains antidépresseurs n’ont aucune efficacité (voir ce numéro de BIP31.fr). Les autres connaissances pharmacologiques concernent la prise en compte des risques d’effets indésirables (trop souvent marginalisés et oubliés par le médecin, ce qui n’est pas le cas du malade !), les couts et la grande prudence vis à vis de la prescription hors AMM.

Il faut développer le réflexe iatrogène, c’est-à-dire penser « et si c’était le médicament ? » devant tout symptôme en évoquant non seulement les effets rares mais également la iatrogénie plus fréquente trop souvent négligée et évitable 1 fois sur 2. Face à un effet indésirable, il faut le notifier à son CRPV [NdR : Centre régional de pharmacovigilance].

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4-Prescrire avec Indépendance

La formation continue en pharmacologie doit reposer sur les sources d’informations indépendantes. Celles-ci restent malheureusement trop rares. Il peut s’agir des agences de régulation (Agences du Médicament, HAS avec l’avis de la Commission de Transparence) mais aussi des revues indépendantes (Prescrire ou encore bulletins des services de pharmacologie type BIP31.fr). L’information indépendante ne peut, évidemment, être assurée par les firmes ou les visiteurs médicaux. Une étude multicentrique Européenne et canadienne, à laquelle a participé notre équipe, a montré par exemple qu’une information « adéquate pour une prescription sécuritaire » n’était observée que dans moins de 2 % des présentations de la visite médicale !

Prescrire avec indépendance, c’est aussi se méfier des nouveaux médicaments. Un poster ou une présentation ne font pas l’AMM ! Tout nouveau médicament est obligatoirement mal connu au moment de son introduction sur le marché et les lecteurs de bip31.fr connaissent la survenue d’effets indésirables « graves » de découverte tardive : benfluorex, pioglitazone, rosiglitazone, rimonabant, sibutramine, dronédarone…Rappelons-nous que la véritable innovation avec progrès thérapeutique reste exceptionnelle !

Finalement, assurer une prescription pertinente pour les patients, c’est penser médicaments, réfléchir longuement au moment de la prescription médicamenteuse. Assurément, la prescription par « réflexe spinal » doit être combattue.

Le service de Pharmacologie Clinique et le Centre Midi-Pyrénées de PharmacoVigilance, de PharmacoEpidémiologie et d’Informations sur le Médicament sont là pour aider tous les professionnels de santé à une prescription pertinente. »

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« Prescrire hors AMM ? »

Par le Pr Jean-Louis Montastruc

(BIP31.fr 2011, 18 (3), p. 27)

« L’affaire Médiator® a, entre autres, reposé le problème de la prescription dans et hors l’AMM. Rappelons que l’AMM est une autorisation administrative de commerce d’un médicament délivrée par l’AFSSaPS ou l’EMA. L’octroi d’une AMM n’est absolument pas synonyme de bénéfice thérapeutique par rapport à l’existant. Que doit savoir le prescripteur sur la prescription hors AMM?

L’article 8 du Code de Déontologie médicale affirme que dans les limites fixées par la loi « le médecin est libre de ses prescriptions, qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance». Cependant, d’autres dispositions de ce Code de Déontologie, tout en confirmant la liberté de prescription, introduisent des réserves importantes.

L’article 14, notamment, prévoit que « les médecins ne doivent pas, sauf circonstances exceptionnelles, divulguer dans les milieux médicaux un procédé nouveau de diagnostic ou de traitement insuffisamment éprouvé sans accompagner leur communication des réserves qui s’imposent. Ils ne doivent pas faire une telle divulgation dans le public non médical ».

L’article 39 stipule que « les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger, un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé ». « Il est interdit au pharmacien de délivrer des médicaments non autorisés » (article 21).

La prescription de médicaments hors AMM ne peut se faire que dans deux seuls cas : les Autorisations Temporaires d’Utilisation (ATU nominatives ou de cohorte délivrées par l’AFSSaPS) et la recherche biomédicale (essais cliniques).

Dans tous les autres cas, un médecin qui prescrit un médicament en dehors de ces indications autorisées le fait donc sous sa propre responsabilité. Ceci concerne aussi bien la prescription en ville que celle dans un établissement de soins (clinique, hôpital même universitaire). L’article R 162-1 précise que, en cas de prescription hors AMM, le prescripteur doit porter la mention « non remboursable » à côté de la dénomination de la spécialité.

En cas d’accident, la responsabilité du médecin-ci peut être engagée sur le plan professionnel et civil, voire sur le plan pénal.

En cas de demande de remboursement du médicament auprès des Caisses d’Assurance Maladie, le Code de la Sécurité Sociale précise (ordonnance n° 96-345 du 25 avril 1996) que les spécialités pharmaceutiques ne pourront donner lieu à prise en charge ou à remboursement par les Caisses d’Assurance Maladie que :

– s’ils figurent sur une liste établie dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat,

– et si les indications thérapeutiques sont celles ouvrant droit à la prise en charge ou au remboursement précisées par la liste (en pratique, le plus souvent, mais pas toujours ! l’AMM figurant sur le Vidal).

L’article L 162-4 prévoit que « Les médecins qui prescrivent une spécialité pharmaceutique en dehors des indications thérapeutiques ouvrant droit au remboursement ou à la prise en charge de l’Assurance Maladie, telles qu’elles figurent sur la liste mentionnée à l’article L 162-17 sont tenus de la signaler sur l’ordonnance support de la prescription ». »

3 réflexions au sujet de “« Pertinence des prescriptions médicamenteuses »: des critères simples et efficaces. « Prescrire hors AMM ? »”

  1. J’aime beaucoup et je vais apprendre ce petit texte par coeur, il peut me servir :
    « « 1 médicament, ça va ; 2 médicaments, c’est possible ; 3 médicaments, surveiller le malade ; 4 médicaments, surveiller le médecin ; 5 médicaments, hospitaliser le médecin ! »  »
    Quant à la iatrogénie, je précise que les malades ne sont pas reconnus (paroles de Roselyne Bachelot, en réponse aux victimes d’Agréal), c’est dé….brouillez-vous (pour être polie).
    Il me plait, ce Pr Jean-Louis Montastruc et je lui présenterais bien mon ancien pharmacien, incapable de respecter les courriers de l’Afssaps, tout comme mon médecin.

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  2. Bonjour Chantal,
    Phrase à retenir, en effet!
    Au fil du temps, j’ai appris qu’il y avait de tels professionnels de santé engagés et actifs, qui cherchent à changer le système de l’intérieur et continuent malgré tout à faire un excellent travail à leur niveau.
    A nous de les aider à mieux se faire entendre et ne pas se faire laminer. Je pense ici, à nouveau, au Pr Claude Béraud. Ses propositions, réflexions et activités pour changer le système lui ont valu 4 procès et 40 plaintes. Les syndicats médicaux se sont, pour une fois, tous (ou presque) unis contre lui. Il a certes gagné les procès, mais n’a pas pu réformer le système.
    Dans la pharmacovigilance aussi, il y a des professionnels engagés qui font un très bon travail. J’ai évoqué par le passé mes longs échanges avec un tel professionnel, qui m’a donné beaucoup d’informations et m’a beaucoup appris, me permettant de mieux comprendre certaines tares structurelles et mieux formuler certaines critiques. Je n’ai jamais donné son nom, pour qu’il n’ait pas de soucis, mais il se reconnaîtra s’il lit ces lignes. Ce n’est pas tombé dans les oreilles d’une sourde.
    C’est cela aussi qui entretient l’espoir; ils ne sont pas tous dans le même moule.
    *
    Chantal, merci pour vos commentaires, les liens et informations, l’humour, l’ironie, l’engagement… Et aussi pour vos encouragements, qui me font beaucoup de bien.
    Bon courage à vous aussi!
    Bien cordialement.

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  3. Très intéressant.
    Car il faudra bien un jour que les mèdecins soient mis en face de leurs responsabilités. Ils ont miraculeusement échappé à toute citation lors de l’affaire Médiatorn car rappelons que ce médicament n’était pas autorisé autrement que dans les cas de diabete, et que la plupart de prescriptions étaient faites hors-AMM, ce qui met largement en cause les prescripteurs ds le desastre sanitaire, car ce sont bien eux qui, en leur âme et conscience et au mépris des recommandations des autorités de santé et des rapports benefices/risques ont choisi de prescrire en masse le mediator hors-AMM!
    Quand on sait que la France consomme 40% de medicaments sur prescription en plus que la moyenne des 10 pays européens les plus riches, et ce sans effet sur l’espérance de vie et la morbidité, les mèdecins français doivent là encore se remettre en question, car ils sont, en tant que prescripteurs, les responsables de cette surconsommation!
    De même, lorsque la Sécu nous fait un spot publicitaire pr ne pas utiliser les antibiotiques, se rappelle-t-elle que ces medicaments sont tous à prescription obligatoire, et que ce ne sont pas les gens, mais les prescripteurs qui sont à blâmer pour les utilisations abusives et erronées de ces produits?
    Heureusement certains sont assez lucides pour analyser les derives de leur profession (ce qu’a « oublié » de faire I. Frachon en « omettant » de dénoncer ds son livre que les médecins prescrivaient plus le médiator hors-AMM que ds les indications prevues par les autorités de santé)

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