Les conflits d’intérêt: tare de naissance du Gardasil. Constella Group fait de la pub pour Merck et GSK, établit la liste d’agents oncogènes et recueille les effets secondaires au VAERS…

Il faut remonter un peu dans le temps pour mieux comprendre à quel point ce vaccin est un énorme conflit d’intérêts et sa généralisation une « folie » dans un vide démocratique qui permet des collusions d’intérêts entre politiques et firmes pharmaceutiques, comme le disait le Pr Alvarez-Dardet. Lorsque des hommes politiques nous vendent un vaccin avant même que les « experts » se prononcent là-dessus, on sait d’avance quelle sera la décision…

Ce sont Carlos Alvarez-Dardet et l’excellente revue allemande indépendante Arznei-Telegramm qui ont ouvert le feu de la critique en Europe. Et l’opinion publique allemande est de plus en plus hostile au Gardasil. J’ai parlé des positions de la revue et de toutes les critiques étrangères, traductions et analyses à l’appui, dans plusieurs dizaines d’articles accessibles par les catégories Gardasil et Cervarix. 

L’article d’un chien de garde (« watchdog ») américain, paru dans le Milwaukee Journal Sentinel en avril 2007, parle des débuts de l’affaire Gardasil, aux Etats-Unis, avec Merck dans le rôle principal (de distributeur de billets) et les institutions de santé publique comme figurants plumés. Entre les deux, l’une de ces sociétés privées spécialisées dans l’externalisation et la sous-traitance de tous les aspects, depuis la recherche (essais cliniques…) jusqu’à la rédaction médicale et à la communication d’influence. L’une de ces nombreuses sociétés privées à but lucratif travaillant par projets et sous contrat soit avec une institution publique soit avec un laboratoire privé. Soit les deux. D’où leur nom : contract research organizations (CRO) ou sociétés de recherche sous contrat (SRC).

Mais il y a un énorme problème de crédibilité et de biais quand la même firme CRO est payée en même temps par les autorités fédérales américaines et par un laboratoire pharmaceutique, et ce pour travailler en même temps sur plusieurs versants du même sujet. Un énorme conflit d’intérêt qui devrait suffire à lui seul à discréditer les produits de ce travail. Le produit est le vaccin HPV Gardasil, en l’occurrence, puisque la CRO Constella Group a été partie prenante dès le départ.

La firme Constella a par ailleurs été propriétaire d’une autre CRO appelée Future, d’où le nom qu’on voit apparaître ici ou là : Constella Futures. Et le nom des essais cliniques du Gardasil est Future.

Mais prenons les choses dans l’ordre, parce que la confusion et la complexité sont dans les faits et qu’il est impossible de réduire cette complexité à quelques slogans.

La CRO Constella Group a été payée en 2003 par les National Institutes of Health (institution publique qui chaperonne tout la recherche médicale publique et distribue les fonds) pour actualiser la liste fédérale des agents carcinogènes et y a introduit les HPV (papillomavirus humains), qui n’y figuraient pas auparavant. Constella l’a fait alors même qu’elle travaillait pour les firmes Merck et GSK (sur Gardasil et Cervarix), et ce sans en dire un mot

Cela semble incroyable, et pourtant, une telle CRO n’a aucune obligation de déclarer ses clients privés. Il paraît qu’elle les avait déclarés par le passé, mais qu’elle ne le fait plus. Eli Lilly, AstraZeneca et Novartis figuraient parmi les laboratoires pharmaceutiques clients des filiales du Constella Group.

On imagine aisément l’aubaine et l’argument marketing extraordinaire pour Merck, que de pouvoir dire que le Gardasil protège contre deux souches de papillomavirus reconnus par les autorités fédérales des États-Unis comme oncogènes. Il faut dire ici que cela devait arriver de toute façon, puisque la grande majorité des chercheurs pensent effectivement que certains types de HPV sont oncogènes et impliqués dans plusieurs cancers, principalement celui du col de l’utérus. Même si certains points restent controversés, comme l’existence d’un petit nombre de cancers du col de l’utérus sans aucune trace de papillomavirus humains et le fait qu’une telle infection (même persistante et grave) n’est de loin pas une cause suffisante. D’autres co-facteurs sont nécessaires pour qu’une infection par un sérotype oncogène ne soit pas éliminée par le système immunitaire et évolue lentement vers une dysplasie de moyen puis de haut grade et éventuellement vers un cancer du col de l’utérus, en l’absence de tout frottis de dépistage et de tout traitement et s’il y a d’autres facteurs aggravants. J’ai abordé en détail tous ces aspects, références scientifiques à l’appui, dans des dizaines d’articles accessibles depuis la liste alphabétique des catégories.

On voit bien qu’une telle société de recherche sous contrat n’est pas là pour faire de la « science » sans intérêts autres. Le dévouement à son client Merck est exemplaire. Il n’en va pas de même pour les clients publics, mais ceux-ci ne sont certainement pas en mesure de payer aussi bien. N’empêche, apparemment la politique de la maison est de manger à tous les râteliers, vu que Constella Group est aussi sous contrat avec les autorités publiques pour recueillir les… effets secondaires des vaccins et les transmettre aux autorités fédérales. Il s’agit de tous les vaccins, incluant donc ceux commercialisés par les clients privés de la CRO Constella et dont elle-même supervise certains essais cliniques et/ou la commercialisation.

On apprend en lisant cet article que Constella Group a de nouveau remporté ce « marché », doté de 21 millions de dollars, pour gérer le VAERS (Vaccine Adverse Event Reporting System) pendant sept années supplémentaires, pour le compte du CDC (Centers for Disease Control and Prevention) et de la FDA (Food and Drug Administration : agence états-unienne du médicament). C’est l’une de ses filiales, Constella Health Sciences, qui s’en occupe.

L’on peut dire sans risque de se tromper que Constella Group a une vue panoramique sur le Gardasil : depuis la liste des agents oncogènes et des objectifs commerciaux des firmes privées clientes jusqu’à la production du vaccin Gardasil, sans oublier l’information, c’est-à-dire ce que le grand public et les institutions publiques de santé apprennent sur ce vaccin HPV et sur ses effets indésirables. En plus des National Institutes of Health, Constella travaille aussi pour la FDA (agence américaine de sécurité sanitaire), le ministère de la Défense, celui de l’environnement, le CDC (Centers for Disease Control and Prevention), c’est-à-dire le plus important centre d’épidémiologie qui fait office de référence mondiale.

L’article du Milwaukee Journal Sentinel mentionne entre autres la réaction du CDC à cette révélation sur la duplicité de Constella Group disant qu’il ne faudrait pas en tirer des conclusions hâtives, puisque dans ces entreprises, la main gauche ne sait pas toujours ce que fait la main droite. La CRO Constella elle-même se défend en disant qu’elle a un comité d’éthique et des directives internes permettant de séparer le travail pour le public du travail pour le privé. Voilà une schizophrénie qui n’est pas de nature à nous rassurer!

L’article original du Milwaukee Journal Sentinel s’appelle Research triggers conflict concerns. Booming private industry serves drug companies and government clients

L’article a été commenté en long et en large, par exemple sur l’un des blogs les plus actifs en matière de pharma-critique : Pharmalot, sous le titre : Greasing the Skids for HPV Vaccine (Graisser les patins du vaccin anti-HPV). Les rouages sont bien huilés, c’est une affaire qui roule, c’est le cas de le dire.

Et le Congrès américain a ouvert une enquête sur la question, considérant – à juste titre – que c’est la santé publique qui est mise en danger par ces conflits d’intérêts public – privé : National Institutes of Health and Constella are Investigated For Possible Conflicts of Interest. Les chiens de garde et autres critiques ne se privent pas de dire que c’est ce qui arrive forcément lorsque les institutions publiques et les autorités sanitaires sous-traitent la recherche et les questions de santé publique à des entreprises privées à but lucratif. Privatisons nos universités, que dis-je, privatisons toute la santé, on sait d’avance ce que ça donne. Cela nous évitera de tomber de haut…

D’autres détails sur Constella dans cette présentation faite par Source Watch, le point le plus intéressant étant les liens politico-industriels faramineux de cette société de recherche sous contrat.
Il existe meme un blog officieux des employés et anciens employés de Constella, qui porte le titre suggestif ConstellaNut. Les archives valent la peine. On apprend qu’il y a eu une épidémie de départs, y compris au niveau européen, lors de l’achat, puis de la revente de Futures, cette autre CRO plus petite. Le sous-traitant du sous-traitant, autrement dit. Les notes portent aussi sur les conflits d’intérêts.

J’arrête là; ça devient répétitif. Et tout le monde imagine la suite. Il faudrait quelques journalistes d’investigation pour se pencher sur ces choses-là côté européen et français aussi. Mais d’où les sortir en France?

*

Liens vers les articles

Les articles publiés sur Pharmacritiqvue depuis 2007 sont accessibles depuis la liste alphabétique des catégories, dans la colonne latérale du blog. Il y a cinq catégories, pour plus de lisibilité. Évidemment, un article sur les conflits d’intérêt parlera très souvent aussi d’une ou plusieurs controverses à l’étranger, de la prévalence, des facteurs de risque multiples pour développer un cancer du col de l’utérus, de la désinformation et des méthodes de ghost management, etc.

Elena Pasca

2 réflexions au sujet de “Les conflits d’intérêt: tare de naissance du Gardasil. Constella Group fait de la pub pour Merck et GSK, établit la liste d’agents oncogènes et recueille les effets secondaires au VAERS…”

  1. Oui con a hélas affaire à un journalisme profondément défficient et ceci est TRES grave en terme de démocratie sanitaire et de démocratie tout court.
    Je viens encore aujourd’hui de constater le gâchis journalistique qui existe en terme d’investigation manquée tout ça pour être aux bottes de Big pharma, c’est une HONTE.
    Voyez ici au lien suivant un journaliste qui vient….chercher des témoignages de gens qui hésitent à se faire vacciner (évidemment pour leur demander pourquoi ils hésitent et travailler à des stratégies pour mieux les manipuler) et des gens qui auraient des « ficelles » pour ne pas oublier ses rappels de vaccin (pour avoir un feed back sur l’efficacité des mesures commerciales comme l’envoi par sms et le mail des dates de rappel):
    http://forum.aufeminin.com/forum/f640/__f234_f640-Journaliste-sante-recherche-temoignages.html
    Cordialement

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  2. Bonjour,
    Ces articles en anglais, je n’arrive pas à les obtenir, les avez-vous, et pouvez-vous me les envoyer?
    On apprend en lisant cet article que Constella Group a de nouveau remporté ce « marché », doté de 21 millions de dollars, …
    L’article original du Journal Sentinel s’appelle Research triggers conflict concerns. Booming private industry serves drug companies and government clients…
    Pharmalot, sous le titre : Greasing the Skids for HPV Vaccine non plus
    Merci beaucoup
    Cordialement
    Turiya

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