« Selling Sickness », documentaire sur le disease mongering ou façonnage de maladies. Médicaliser les bien-portants pour vendre plus de médicaments

Titre complet : “Selling Sickness. An Ill for Every Pill” (Vendre des maladies. Une maladie pour disease mongering,façonnage de maladies,profit,marketing,normalité,antidépresseurschaque médicament), 2005. Co-écrit par Ray Moynihan et inspiré du livre de Moynihan et Alan Cassels évoqué dans cette note.

Le documentaire peut être visionné sur cette page. A noter qu’une conférence internationale a eu lieu, sous le même titre (Selling Sickness), en avril 2006 à Newcastle (Australie).

Les thèmes habituellement évoqués y ont été traités, c’est-à-dire des symptômes ou gênes divers vaguement définis comme des maladies ou des syndromes afin de vendre ou de recycler des médicaments ou des me-too – ou encore afin d’élargir la part de marché de telle classe de médicaments; il s’agit la plupart du temps d’antidépresseurs ou autres psychotropes (tranquillisants, antipsychotiques, molécules dites nootropes, etc.)

Les maladies inventées en question sont telles que: dysfonction sexuelle féminine, certaines formes de troubles bipolaires (redéfinition d’une psychose maniaco-dépressive dont la vieille description ne faisait pas vendre et ne donnait pas envie de s’identifier aux symptômes…), trouble d’anxiété généralisée, phobie sociale, mais aussi des entités controversées dont il n’est pas sûr qu’il s’agisse de maladies inventées: et je pense notamment au syndrome des jambes sans repos.

Les limites du concept sont visibles ici aussi, car si l’apport de cette critique de la médicalisation disease mongering,façonnage de maladies,profit,marketing,normalité,antidépresseurs(surmédicalisation, surmédicamentation – surconsommation et consumérisme – marketing et conséquences de la recherche du profit à tout prix) est indéniable, il ne faudrait pas que le disease mongering/ condition branding serve de prétexte pour ignorer ou rejeter des syndromes ou des maladies que la médecine ne connaît pas bien ou ne peut pas suffisamment bien définir ni objectiver par l’imagerie ou la biologie médicale. 

A noter que la revue PLoS Medicine a publié les écrits de la conférence de 2006 à Newcastle, qui sont accessibles sur cette page.

*

Dans le documentaire, il est question – à partir de la critique du « disease mongering » ou « condition branding » (« branding diseases »: inventer/ fabriquer des maladies ou élargir la définition de celles existantes) – des méthodes sans scrupules de l’industrie pharmaceutique pour augmenter ses profits et de leurs conséquences. Les psychotropes, et surtout les antidépresseurs tels le Deroxat/ Seroxat/ Paxil de la firme GSK, sont les exemples les plus significatifs. La médicalisation de l’enfance aussi, quand on diagnostique des troubles de comportement partout…

Et comme le dit le psychiatre David Healy, tant que les données brutes – et non édulcorées – des essais cliniques ne seront pas accessibles, le marketing continuera son travail d’érosion de la science médicale. Parce que, contrairement à ce que pense le grand public, on ne peut pas séparer la publicité, qui serait du marketing pur, des essais cliniques qui, eux, seraient de la science pure. Non, on en est arrivé au point où les essais cliniques eux-mêmes, manipulés et réécrits, sont le principal outil de marketing, souligne Healy.

(On peut se référer au récent éditorial du JAMA, traduit par Pharmacritique, pour voir qui écrit les études médicales et comment la manipulation se fait de la rédaction jusqu’à la publication et aux commentaires dans la presse médicale, bien avant d’en arriver aux campagnes de publicité directe…) 

Et la question fondamentale que pose cette médicalisation, cette normalisation par les médicaments, est celle d’une véritable mutation anthropologique que risque d’entraîner l’industrie pharmaceutique à travers la médecine : un changement profond de la perception de ce qu’est un être humain, conclut David Healy.

L’humanité, c’est une infinité de potentialités, de nuances psychiques, comportementales, relationnelles, biologiques, psychosociales… C’est l’unicité et la spécificité de chaque être humain qui risque de disparaître au profit d’individus permutables, interchangeables, taillés dans le même moule et identifiés à leurs rôles socio-économiques, comme je l’ai dit dans les notes réunies sous la catégorie Normalité, contrôle social, culture psy.

Voir aussi les notes de la catégorie « Disease mongering, façonnage de maladies, invention de maladies », accessibles à partir de cette page, ainsi que les notes sur la prévention et l’abus de prévention, sur la surmédicalisation et surmédicamentation, etc. 

 

Elena Pasca

2 réflexions au sujet de “« Selling Sickness », documentaire sur le disease mongering ou façonnage de maladies. Médicaliser les bien-portants pour vendre plus de médicaments”

  1. Bonjour,
    Merci pour vos commentaires sur le site du collectif.
    Je vous ai envoyé un email récemment au sujet d’une collaboration.
    N’ayant pas de réponse : l’avez-vous bien reçu.
    Fraternellement.

    J’aime

  2. Bonsoir,
    Je vous ai répondu il y a un bon moment. Le deuxième courriel venait d’une adresse différente, alors il y a peut-être un souci. Je vais faire suivre ma réponse à votre adresse habituelle.
    Bonne continuation!
    Mes excuses pour les autres commentaires restés sans réponse pour le moment; je suis très fatiguée et ai du mal à me concentrer pour sortir plus de deux mots qui se tiennent…
    Je poste juste ce que j’avais déjà fait et répondrai plus tard, après un peu de repos…
    @ plus.
    Cordialement.

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s