Les lobbyistes anglo-saxons planifient dérégulation du commerce et des lois protectrices. Aidons les ONG anti-lobbying !

Un article du journal britannique centriste The Guardian, daté du 17 février 2018 et signé par l’éditorialiste Michael Savage, devrait être le point de départ d’une réflexion urgente. Les agissements de ces lobbyistes dévoilés ici nous concernent tous, par-delà les Britanniques qui sont les premiers à subir. On comprend d’où viennent certains leitmotivs de la communication d’influence pour fabriquer une opinion qui reprend de façon réflexe les clichés de Europe-bashing, en plus du France-bashing habituel qui vise le modèle politique républicain de l’intérêt général et du bien commun avant les profits économiques.

Le titre et le sous-titre de l’article du Guardian: Revealed: Right-wing Groups Plot to Ditch EU Safety Standards on Food and Drugs. Ideal’ UK-US trade deal would see banned products sold in post-Brexit Britain, says accidentally released memo.

“Révélations: Des groupes d’influence de droite conspirent afin de se débarrasser des normes de sécurité de l’Union européenne pour les aliments, les médicaments et les substances chimiques. Le traité “idéal” de libre-échange Grande Bretagne – États-Unis imposerait la vente sur le marché britannique post-Brexit de produits actuellement interdits, selon un mémorandum rendu public par erreur.”

Nous apprenons que la vigilance de Greenpeace, exerçant en permanence une veille sur les manigances et les publications des lobbyistes, communicants, multinationales, industriels et divers autres acteurs du marché, a permis de repérer et révéler publiquement un plan sans précédent des milieux économico-financiers américano-britanniques pour imposer leurs propres standards économiques dans les traités à venir, au lieu des standards européens, adoptés jusqu’alors par la Grande-Bretagne.

À partir des futurs traités américano-britanniques, c’est le système mondial de commerce que ces lobbyistes veulent totalement déréguler.

En fin d’article, je rappelle comment nous pouvons agir et empêcher qu’on nous prenne pour des cons qui se laissent museler avec des produits frelatés et bon marché…

Première visée par les agissements : l’Union européenne, cible de toutes les attaques faciles qui voudraient ne voir en elle que la racine de tous les maux. Ce qui revient à intégrer et appliquer précisément ce que la propagande néolibérale veut que nous gobions sans aucun recul critique. Tout comme la propagande des milieux nationalistes-populistes et d’extrême-droite.

Lobbying et communication pour dézinguer citoyenneté, intérêt général, primauté de la politique

Avec l’Union européenne, nous tous sommes visés. Tout ce que nous consommons et utilisons, depuis l’alimentation (industrie agro-alimentaire) jusqu’aux produits de l’industrie pétro-chimique, ceux de l’industrie pharmaceutique et des autres bien nommées “industries de santé”, en passant par tout ce qui touche à notre cadre de vie, à l’environnement, aux animaux… Et en passant par notre façon de concevoir la politique, la démocratie représentative, le rôle de la science et son encadrement éthique, le choix collectif du modèle de société et du régime de production, le rôle des décideurs et des citoyens. Au niveau national comme au niveau des instances européennes.

L’intérêt général est à l’exact opposé de ce que préconisent ces lobbyistes et ce que nous rabâchent les média qui ont contribué à ériger l’économie en science et à la présenter comme une science exacte, qui dicterait ses règles à la politique. Le modèle républicain en particulier est attaqué de toutes part, et tous les concepts liés à l’intérêt général sont soumis à des critiques acerbes, plus ou moins directes: devoirs de transparence sur la décision politique et administrative, transparence sur l’expertise et les données scientifiques (qui servent de base technique soi-disant neutre à la décision), bien commun, droits de participation traduits dans des formes de démocratie participative digne de ce nom, etc.

Tout cela dépend de la définition capacitaire du citoyen, telle qu’elle est théorisée en République. Un citoyen qui doit pouvoir se faire un avis en connaissance de cause, au lieu de suivre l’opinion fabriquée grâce aux lobbyistes et à des media aux ordres ; qui doivent co-décider de tout au lieu de se laisser réduire à leur force de travail et à des consommateurs dont les comportements seraient dictés par des experts et par les communicants des acteurs économico-financiers. Etc.

À bas les citoyens ! Vive les consommateurs suivistes, aveugles, contents d’avoir “le choix” de produits pas chers, même si jusqu’alors ils étaient interdits parce que présentant des risques pour la santé et/ ou l’environnement…

L’entente révélée grâce à Greenpeace est faite pour rester dans l’ombre, entre des lobbyistes mandatés par des think tank conservateurs et ultra-libéraux britanniques et états-uniens. Dans la lumière, l’on a ce que je viens de décrire.

L’on y trouve des experts du lobbying tels que la Heritage Foundation, qui s’active contre les réglementations sur l’environnement et se présente elle-même comme étant “globalement le Numéro 1 dans l’impact sur les politiques publiques”. Nous n’avons qu’à bien nous tenir…

Parmi les sujets principaux abordés sur le site de la Heritage Foundation, l’on trouve (les points de vue d’un néolibéralisme débridé sur) les impôts, le système de santé et sa nécessaire “réforme”, le budget et les dépenses publiques, l’immigration, etc. Le pauvre NHS (National Health System : système de santé public), dont l’état ne cesse de se dégrader, sous l’œil avide des assurances privées !

Les articles dédiés à la santé valent le détour. Ils s’en prennent à la réforme menée par Barack Obama, qui a abouti, malgré tous les bâtons dans les roues mis par la droite (les républicains états-uniens) à donner une couverture-maladie accessible à des dizaines de millions d’Américains. Certes, les spéculateurs et les assurances ont fait en sorte d’en tirer profit, ce qui a eu pour conséquence une augmentation des primes pour certains assurés, mais surtout pour des employeurs.

Et c’est là-dessus que jouent tous ces lobbyistes et communicants, qui prétendent garantir les libertés individuelles contre toute obligation fédérale (jouant sur la tradition de méfiance envers l’Etat (the government), offrir des prix faibles grâce à la régulation par la concurrence, et ainsi de suite. L’on connaît tous les poncifs repris par Donald Trump et son administration. Malgré une résistance des citoyens qui ont pu bénéficier de soins autrement qu’en urgence ou par les programmes Medicaid (pour les plus pauvres) et Medicare (pour les personnes souffrant de maladies chroniques et les personnes âgées) ou le CHIP (Child Health Insurance Program).

Je détaille l’acronyme et évoque ce programme, lui aussi menacé d’extinction par les néolibéraux et Trump, pour bien faire comprendre que, outre la coïncidence, le CHIP n’a rien à voir avec une puce (qui s’appelle chip en anglais), et n’annonce aucun programme de puçage de la population.

J’ai dû clarifier les choses il y a quelques années, lorsqu’une rumeur a été lancée dans les milieux complotistes-conspirationnistes, reprise et amplifiée par les milieux antivaccinalistes, le complexe naturo-psycho-holistique, puis par des associations de la sphère écologique…

Le Cato Institute fait lui aussi partie de ces bienfaiteurs de l’ombre, lobbyistes anglo-saxons qui savent ce qu’il nous faut et voudraient décider à notre place, dès lors qu’ils nous auront empêchés de parler en nous bâilonnant avec du poulet et du bœuf bon marché. Il est co-fondé par les milliardaires du pétrole Charles et David Koch.

Le Cato Institute décrit lui-même, sur sa page de présentation, ses activités et objectifs : liberté illimitée, marché sans aucune régulation, limitation des interventions étatiques et des régulations dans tous les domaines. Tout en se disant non-partisan, apolitique et œuvrant pour les libertés de chacun d’entre nous. Libertés à se battre contre tous les autres pour faire passer ses propres intérêts pour de l’intérêt général, ce qui définit la juxtaposition d’individus dans le paradigme utilitariste anglo-saxon et le rôle de l’Etat: garantir que chacun puisse tenter d’exploiter le système à sa guise à la poursuite de ses intérêts particularistes.

Côté britannique, l’entente est supervisée par le think tank Initiative for Free Trade (IFT), prêchant le commerce dérégulé et le libre-échange, dont le président est un député conservateur appelé Daniel Hannan. Collègue de Theresa May… IFT se décrit comme une organisation de recherche, non partisane, destinée à profiter de l’occasion offerte par le Brexit pour “revitaliser l’ensemble du commerce mondial”, selon sa propre page de présentation.

Les Britanniques n’ont qu’à bien se tenir… Car l’entente et le plan d’action portent sur la façon de profiter du Brexit pour redéfinir toutes les normes régissant les produits commerciaux, de même que les règles à respecter lors d’échanges et traités internationaux.

Les lobbyistes agissant au nom d’intérêts industriels et financiers profitent de la sortie de l’Union européenne pour se débarrasser de toutes les régulations imposées par les directives européennes en matière de protection des consommateurs, protection de la santé et de l’environnement, protection des animaux, dispositions restrictives sur le conditionnement des aliments afin de pouvoir importer des poulets US au chlore et du bœuf aux hormones, interdits par l’Union européenne, etc.

Ces agissements viennent après avoir essayé de l’intérieur de faire sauter toutes les normes et régulations, par du lobbying, par des manœuvres de blocage, par toutes sortes de formes de communication d’influence et de manipulation de l’opinion amenée à croire que les pays de l’Union bloquaient le business et à faire des moqueries sans fin, telles que le France-bashing que l’on connaît si bien…

Le principe de précaution devrait sauter, car ces poids lourds économico-financiers n’en ont jamais voulu et profiteront de l’occasion unique pour le dézinguer. Pourtant, la première ministre Theresa May n’avait pas voulu d’une refonte totale des standards allant dans le sens d’un nivellement vers le bas. Du moins selon ses déclarations publiques. Elle est quelque peu embêtée par la présence de soutiens de son parti parmi les auteurs de ce plan d’action visant à influencer les décisions de sa majorité conservatrice…

Selon les détails du mémorandum, publié par erreur par l’IFT sur son site internet, les lobbyistes feraient en sorte que le traité de libre-échange entre Grande-Bretagne et États-Unis adopte tout au plus les normes des États-Unis, qui sont loin des standards européens. Loin de garantir, ne serait-ce qu’à minima, les droits des consommateurs et le respect de la moindre prudence en matière de santé.

Business is business. As usual.

Mobilisons-nous avec ALTER-EU et les organisations et associations nationales !

Face à de tels lobbyistes et connaissant les capacités financières, donc l’armée de communicants qu’ils paient et leurs réseaux de conflits d’intérêt, de liens avec les décideurs politiques, économiques, administratifs européens et nationaux, nous devrions tous nous mobiliser autour des organisations qui militent pour nos droits, notre information et nos possibilités de démocratie participative digne de ce nom. Autour de ces watchdogs, ces organisations qui scrutent les agissements des lobbyistes et les signes d’influence sur les institutions européennes et nationales, demandent sans relâche des dispositifs d’encadrement du lobbying, la transparence de la décision publique, des mesures de sécurisation de la santé et de l’environnement, des mesures de transparence sur l’expertise et de protection des lanceurs d’alerte.

Ces organisations, je les évoque régulièrement. Outre Greenpeace, dont la vigilance nous permet de prendre connaissance de ce plan d’action de lobbying de grande envergure, il y a la coalition européenne dont l’ONG fait partie : ALTER-EU (Alliance for Lobbying Transparency and Ethics Regulation). Sciences Citoyennes en fait également partie, avec des différences de positionnement que j’ai précisées à plusieurs reprises, lorsque j’ai représenté l’association auprès de la coalition. Le site de cette coalition composée de plus de 200 organisations, syndicats, associations, comporte beaucoup de textes en français aussi.

J’ai parlé longuement des activités de la coalition et de l’urgence qu’il y a à distinguer entre lobbying et plaidoyer (advocacy), par exemple dans cet article qui présente les activités de l’ONG allemande Lobby Control, le point de vue de Sciences Citoyennes par rapport à ALTER-EU, ainsi que bon nombre d’aspects que nous devons connaître quant aux institutions européennes:
“Présentation de Lobby Control, pétition pour la transparence du Conseil de l’Europe et autres initiatives anti-lobbying”.

Et j’ai introduit et fait suivre, sur les réseaux sociaux, les publications d’ALTER-EU et de ses membres tels que CEO (Corporate Europe Observatory), Les Amis de la Terre, etc., parmi lesquelles une série d’articles intitulée LSI: Lobby Scene Investigation.

Retour sur les principales dimensions et les principaux acteurs du lobbying, des pantouflages et revolving doors, des conflits d’intérêt et autres facettes des activités d’influence, de désinformation et de manipulation des citoyens. Articles que l’on peut trouver sur le site de la coalition, à partir de cette page.

Elena Pasca

Une réflexion sur “Les lobbyistes anglo-saxons planifient dérégulation du commerce et des lois protectrices. Aidons les ONG anti-lobbying !”

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