La Dre Monique Debauche m’a signalé d’un colloque pluridisciplinaire qu’elle co-organise au mois d’octobre à Bruxelles et dont le programme s’annonce excellent: « Sciences, clinique et psychotropes: quelles interactions? » (détails plus bas).
Monique Debauche est psychiatre et travaille à cette institution exemplaire dans l’approche globale de la santé qu’est la Free Clinic de Bruxelles. Elle fait partie du GRAS (Groupe de Recherche et d’Action en Santé), association de médecins belges indépendants, membre de l’ISDB (International Society of Drug Bulletins), dont je recommande vivement les travaux.
Pour les médecins belges indépendants, pas de frontière rigide entre médecine et sciences humaines, entre scientifiques et « expertise citoyenne »…
J’ai parlé du GRAS surtout lorsque j’ai présenté le colloque sur les conflits d’intérêts en santé qui a eu lieu le 4 mars au Parlement européen à Bruxelles, co-organisé par la Fondation Sciences Citoyennes et dont voici l’annonce détaillée et le résumé vidéo. Lors de ce colloque, j’ai eu le plaisir de former un « duo » (scientifique – militante associative) avec un autre responsable du GRAS et rédacteur en chef de la revue Minerva, le Dr Pierre Chevalier. Nous avions choisi le cas de Pfizer et de ses deux médicaments gabapentine (Neurontin°) et prégabaline (Lyrica°) pour illustrer ces conflits dans le domaine médecine / industrie pharmaceutique. (Nos deux présentations seront bientôt disponibles sur Pharmacritique).
Je mentionne ce colloque parce que la participation de Pierre Chevalier illustre cette ouverture à l’interdisciplinarité, et notamment aux sciences humaines, que j’appelle de mes voeux et qui caractérise aussi le colloque co-organisé par Monique Debauche. Une ouverture d’esprit qu’on ne trouve guère parmi les médecins français et leurs organisations. Au-delà des discours médiatiques, on dirait que la plupart d’entre eux tracent une sorte de barrière imaginaire indépassable entre les médecins et le reste du monde… Barrière derrière laquelle ils s’abritent dans leurs certitudes et qui explique aussi pourquoi la France est tellement en retard sur la prise de conscience de toutes les scories de la pratique médicale (conflits d’intérêts, relation médecin – patient (digne du 19ème siècle), réflexion éthique et morale-déontologique quasi-inexistante, etc.) Espérons qu’ils vont s’inspirer de ce que font leurs confrères ailleurs dans le monde.
Liens et références
Sur cette page, j’avais repris quelques fragments d’un des excellents articles de Monique Debauche, intitulé « Marché des psychotropes: construction historique d’une dérive« .
En plus de ses propres articles, elle a traduit et/ou adapté des ouvrages étrangers tels « Ce que soigner veut dire: repenser le libre choix du patient » (Ecole des mines 2009), par Annemarie Mol ou « Les médicaments psychiatriques démystifiés » (Masson 2009), par David Healy.
Des questions centrales dans ces pages
Avant de donner le programme du colloque d’octobre, je rappelle les diverses catégories sous lesquelles sont rassemblés les articles traitant directement de ces sujets sur Pharmacritique, soit écrits par moi, soit passant des informations et donnant des références, citations, etc.
- « Conflits d’intérêts en psychiatrie; DSM«
- « Disease mongering, façonnage de maladies, invention de maladies«
- « Normalité, contrôle social, culture psy«
- « Dépression, antidépresseurs«
- « Surmédicamentation, overdose«
- « Psychiatrie, psychotropes, culture psy, dérapages«
- « Antipsychotiques, trouble bipolaire, cyclothymie«
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Voici l’annonce du colloque:
SCIENCES, CLINIQUE ET PSYCHOTROPES: QUELLES INTERACTIONS?
Colloque international pluridisciplinaire, à Bruxelles le mardi 12 octobre 2010.
La question de la prescription excessive de médicaments psychiatriques en Europe et aux Etats-Unis revient de plus en plus fréquemment sur la place publique. Récemment, en mars 2010, la ministre belge des Affaires Sociales et de la Santé Publique, annonçait, au Sénat, la préparation d’un plan de lutte contre la surconsommation de psychotropes.
Le présent colloque tentera d’interroger les fondements de ce phénomène de société en suivant deux axes d’analyse.
Tout d’abord, qu’en est-il des bases scientifiques sur lesquelles reposent ces prescriptions de médicaments ? Comment sont-elles élaborées ? Leur validité peut-elle être remise en question ? Ensuite, qu’en est-il des entités nosographiques prises en compte dans cette démarche ? Que dire de leur pertinence clinique ? Comment distinguer la pathologie mentale des vicissitudes de la vie quotidienne ? Ou encore, le recours à certaines catégories diagnostiques ne modifie-t-il pas durablement les représentations que nous avons de nous-mêmes ?
Intervenants
David Healy, psychiatre, professeur en Psychologie Médicale à la Cardiff University School of Medicine, directeur de la North Wales School of Psychological Medicine, Royaume-Uni. “Le Temps des Antidépresseurs”, Ed. Les Empêcheurs de Penser en Rond, 2002 “Les Médicaments Psychiatriques Démystifiés”, Ed. Elsevier Masson, 2009.
Kalman Applbaum, licencié en anthropologie à la Harvard University et professeur d’anthropologie médicale à l’université du Wisconsin, Milwaukee,USA. “The Marketing Era: From Professional Practice to Global Provisioning”, Ed. Routledge, 2003.
Alain Giami, chercheur en Sciences Sociales. Titulaire d’un doctorat en psychologie, directeur de recherche à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, INSERM, France. “Médicalisation de la sexualité et médicalisation de la société”, in A. Jardin, P. Queneau, F. Giuliano (dir.), Progrès thérapeutiques : la médicalisation de la sexualité en question, John Libbey, 2000.
Trudy Dehue, professeur en Epistémologie et en Histoire des Sciences à la Rijksuniversiteit de Groningen, Pays-Bas. “De depressie-epidemie”, Augustus, 2008.
Walter Vandereycken, professeur de psychiatrie à la Katholieke Universiteit Leuven, Belgique. “Psychiaters te koop”, Cyclus, 2006.
Benoit Majerus, docteur en Philosophie et Lettres, orientation Histoire, chargé de recherches – FNRS auprès de l’Université Libre de Bruxelles, Belgique. “Revisiting psychiatry in twentieth- century Europe”, European Review of History, 15 (1), February 2008, pp. 55-67.
Adresse et horaires
Le colloque se tiendra de 9h à 18h à la Salle Dupréel sur le site du Solbosch de l’Université Libre de Bruxelles, 44, avenue Jeanne à 1050 Bruxelles.
Traduction simultanée anglais, français et néerlandais.
Informations et inscriptions : colloque@freeclinic.be (attention ! nombre de places limité).
Comité organisateur :
Prof. Philippe Fouchet, ULB; Prof. Sigrid Sterckx, VUB and UGent; Dr Philippe Hennaux, l’Equipe; Dr Monique Debauche, Free Clinic, GRAS, http://www.freeclinic.be
Bulletin d’inscription
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