« Patients et médecins, nous voulons tous la même chose. Mais nous ne travaillons pas ensemble et en avons conscience. Pire, nous nous voyons dans des camps opposés situés d’une part et d’autre d’une ligne de partage imaginaire dont nous ne cessons de nous éloigner. Nous le savons, et c’est dramatique ». C’est par ces paroles d’un médecin que finit l’article du New York Times en date du 29 juillet intitulé Doctor and Patient, Now At Odds (« Médecins et patients ne s’entendent plus »). Nous avons déjà abordé cet aspect sous l’angle des tierces parties qui minent les relations médecins – patients. Lire la note « Le courant ne passe plus entre médecins et patients aux Etats-Unis. Principale cause : la gestion comptable de la médecine« .
Photo tirée de Lareau web : « Je vous ai bien dit que j’étais malade », docteur…
Quelques grandes lignes de l’article et de la vidéo, pour ceux qui ne parlent pas anglais :
La formation médicale coupe les médecins des patients, au point d’en arriver à deux mondes séparés, avec des soignants qui ne connaissent rien du cadre de vie des malades. Les coûts élevés des actes médicaux, des médicaments et autres soins, la diminution des remboursements, l’intervention des assureurs et la « maîtrise des coûts » en termes gestionnaires créent des tensions et des charges supplémentaires d’une part et d’autres. Et ont pour effet de réduire de plus en plus la durée de la consultation.
Un médecin reconnaît dans l’article avoir été frappé de constater « à quel point les patients sont malheureux et – franchement – mal traités ». Et il ajoute aussitôt: « Je ne pense pas que les médecins soient humainement mauvais. Mais ils travaillent dans un système qui est en faillite. »
Des études récentes montrent le manque de confiance des patients, dont un sur quatre pensent que leurs médecins les exposent à des risques superflus (selon la revue Medicine). L’animosité grandit, avec l’impression que les médecins sont indifférents et se comportent avec l’arrogance de celui qui sait tout. Ils lancent des diagnostics approximatifs et à la va-vite au lieu de prendre le temps d’écouter et d’expliquer. Les patients pensent aussi que les médecins sont trop influencés par l’industrie pharmaceutique. Et les media leur apprennent à regarder autrement les professionnels de santé, vu le nombre d’erreurs médicales…
De même, la publicité directe aux consommateurs, faite par l’industrie pharmaceutique, apprend aux patients à réagir autrement, à chercher des informations par eux-mêmes, se placer au centre et accepter de moins en moins de frustrations… (Nous avions qualifié cela d’ersatz industriel d’empowerment des patients, qui aura des conséquences dramatiques tant que les médecins n’auront pas trouvé une solution qui permette de placer le malade au centre de la relation médecin-patient, donc là où devrait être sa place… L’industrie pharmaceutique le fait, elle, et on voit que la stratégie est payante… Il y a plein de consommateurs qui pensent décider en toute liberté…)
Les médecins cités dans l’article le savent, savent que leur savoir est « démystifié » par toute une série de facteurs, dont le plus important est l’information acquise ailleurs, qui fait que le patient arrive déjà avec une certaine idée et souvent avec des demandes précises.
Un urgentiste constate que les médecins et les patients n’ont pas la même compréhension de ce que c’est que la médecine. Les médecins sont formés à diagnostiquer une maladie et la traiter, alors que ce qui intéresse les patients, c’est qu’on les soigne, qu’on les écoute et qu’ils aillent bien. Il ajoute que l’un des enseignements à tirer de l’existence de l’effet placebo, c’est que la confiance du patient dans son médecin aide à guérir. « Ne pas avoir un soignant auquel le malade peut faire confiance est une source supplémentaire de mal-être et de souffrance, et ce dans n’importe quelle maladie », ajoute-t-il.
Cela dit, les médecins restent optimistes. Ils conseillent aux patients de changer de médecins, s’ils ne leur font pas confiance, mais aussi de faire preuve d’ouverture et de réceptivité… En disant par exemple au médecin qui a déjà ouvert la porte : Docteur, j’aurais encore des questions. (Apparemment, il n’y a pas de souci si toute la salle d’attente entend de quoi il retourne… Ah, le fameux paiement à l’acte! Une vraie révolution!)
Certains patients interviewés dans la vidéo font eux aussi preuve d’un optimisme prudent…
Pour les commentaires, nous renvoyons à la note précédente sur le même sujet (toujours à partir d’un article de Tara Parker-Pope dans le New York Times): « Le courant ne passe plus entre médecins et patients aux Etats-Unis. Principale cause : la gestion comptable de la médecine« .
Elena Pasca