Inegy inefficace dans la sténose aortique. Echec de l’essai SEAS et indice d’un possible risque de cancer

Après le flop rétentissant d’Inegy dans l’essai clinique ENHANCE, dont j’ai rendu compte ici et ici, Schering Plough et Merck espéraient se refaire une beauté en bourse à travers une petite étude menée en Norvège. Elle s’appelle « Simvastatin and Ezetimibe in Aortic Stenosis » (SEAS) : ezétrol,inegy,sténose aortique,cancer,valve,effets secondairessimvastatine et ezétimibe – les deux composantes d’Inegy – chez les patients souffrant de sténose aortique, une anomalie d’une valve cardiaque.

Voilà qui est encore raté. Parce que les résultats, communiqués aujourd’hui par l’équipe d’investigateurs, font état d’un échec sur le critère principal de l’essai. Ce n’est pas tout. Il est question d’un faible indice d’augmentation du risque de… cancer (!) chez les patients traités par Inegy (Vytorin aux Etats-Unis), par rapport à ceux sous placebo.

Chose très surprenante et sans explication raisonnable, paraît-il. L’investigateur principal tente de réduire la portée de cette affirmation en soulignant que l’étude n’a compris que peu de patients (1873, répartis sur 173 centres cliniques) et qu’il s’agit peut-être d’un hasard.

Les détails sont dans le communiqué de presse.

Sir Richard Peto, professeur d’épidémiologie et statistiques médicales à l’université d’Oxford insiste sur le fait qu’il n’y a pas de preuve médicale crédible en faveur de l’augmentation des cancers, nous apprend une dépêche de Reuters. Tous les défenseurs d’Inegy disent que l’essai ENHANCE et les deux essais en cours (SHARP et IMPROVE-IT) n’ont pas mis en évidence un tel risque.

Le communiqué officiel fait état de l’échec de la combinaison simvastatine + ezétimibe selon le critère principal et l’un des critères secondaires de jugement : stopper la progression de la sténose aortique et l’incidence d’ « accidents cardiovasculaires majeurs ». Il n’y a pas de différence statistiquement significative par rapport au groupe placebo. Cependant, Inegy arrive à réduire la fréquence des attaques cardiaques, des interventions pour pontage coronarien et le taux du LDL cholestérol. Et c’est là-dessus que Fred Hassan, le PDG de Schering Plough, concentre sa défense, nous dit Pharmalot.

Qui nous apprend aussi que l’infatigable sénateur Charles Grassley a réitéré ses remontrances, dans une nouvelle série de lettres envoyées à Merck et Schering Plough, qui n’ont semble-t-il pas coopéré suffisamment avec le Congrès. (Une enquête est en cours sur les manipulations des deux firmes dans l’essai ENHANCE). Selon Grassley, les résultats de l’essai SEAS ne font qu’ajouter à la confusion ; ce qui rend d’autant plus urgente la transparence des deux firmes sur tous les détails concernant Inegy et Ezétrol.

Lorsqu’on lit les propos du PDG de Schering Plough – qui n’a pas les reins solides de Merck, ni un Gardasil pour compenser les pertes -, on ne manque pas de s’étonner que les dimensions de l’étude ne soient rédhibitoires que lorsqu’il s’agit des effets indésirables… La même étude n’est pas trop petite pour les résultats favorables. Même si les résultats ne sont favorables que du point de vue d’un critère secondaire de SEAS. Et que Inegy n’a pas réussi à enrayer la progression de la sténose et donc la fréquence des interventions chirurgicales pour remplacer les valves cardiaques malades. Manifestement, la réduction du LDL cholestérol n’a pas d’effet bénéfique et préventif dans cette affection – comme le reconnaît le PDG en personne. D’ailleurs, le premier argument des critiques de l’essai clinique SEAS est le choix de la pathologie pour tester les effets d’Inegy : la sténose aortique ne serait a priori pas une indication très pertinente pour tester le bénéfice clinique d’un traitement de l’excès de cholestérol.

ezétrol,inegy,sténose aortique,cancer,valve,effets secondaires

Pour les lecteurs intéressés par les détails : Pharmalot nous donne le lien vers la vidéo de la conférence de presse tenue par l’équipe d’investigateurs de SEAS.

Que le risque se confirme ou non dans les études de longue durée qui sont en cours, l’échec dans le rétrécissement aortique semble acquis aux yeux des commentateurs. Et il est clair qu’il s’agit là du coup de grâce pour Inegy comme pour Ezétrol (ezétimibe), dont les ventes ont déjà beaucoup chuté ce dernier temps. D’ailleurs, la toute dernière nouvelle concerne le cours de l’action : Libération vient de reprendre une dépêche de Reuters : Merck, Schering chutent après une étude décevante sur le Vytorin. Vytorin est le nom états-unien d’Inegy. Zetia est le nom d’Ezétrol.

Intéressant de voir qu’il n’y est pas question du risque de cancer. Et pourtant, le PDG de Schering-Plough a passé un mauvais quart d’heure sous le feu nourri des journalistes. Il faut laisser à la science le soin de parler de telles choses, dit-il. Les mauvais esprits pourraient dire qu’une telle affirmation n’exclut pas la possibilité que le risque de cancer se vérifie par la suite.

Elena Pasca

10 réflexions au sujet de “Inegy inefficace dans la sténose aortique. Echec de l’essai SEAS et indice d’un possible risque de cancer”

  1. Joli recensé, ce qui me choque le plus c’est la manière de présenter l’information (conférence de presse) sans que celle ci ne s’accompagne d’une publication qui permette de juger.

    J’aime

  2. Excellent ce blog et cet article en particulier ; Félicitation ! Tombe à pic, je réalise un dossier sur les statines ; Les résultats de SEAS sont accessibles à l’adresse : http://www.marketwatch.com/news/story/results-seas-simvastatin-ezetimibe-aortic/story.aspx?guid=%7B45A6A51E-D288-4020-ACC1-3C5BFCB6E627%7D&dist=hppr Même si l’on attend la publication en full-text ! L’industrie du médicament prend vraiment tout le monde pour des neuneu, médecins en tête dans le domaine hyperlucratif de la lutte contre le cholestérol ; personnellement, en prévention primaire j’ai demandé à mon toubib de la pravastatine à 10mg comme dans l’étude MEGA, Lancet 30 septembre 2006, qq jours après la générication de l’Elisor, plus belle étude jamais réalisée, 15% seulement de baisse du chol, 32% réduction de la mortalité globale ; aucun dealer d’opinion n’en parle bien évidement ; Et y a encore des médecins pour prescrir TAHOR, CRESTOR, INEGY… Il est vraiment urgent de leur apporter une information complète et non biaisée sur le médicament !

    J’aime

  3. commentaire Si vous réalisez un dossier sur les Statines, il faut savoir à propos de la Méga Study : 1) il n’y a pas de réduction de la mortalité, mais réduction de 32% des événements cardiaques majeurs 2/ Elle s’adresse à des Japonais, population à faible rique CV 3/ Ce qui est important pour juger de l’intéret d’une thérapeutique, c’est la réduction absolue de risque. Ainsi dans le groupe placébo, il y a13.1 événements indésirables pour 1000 patients/année, dans le groupe traité ce chiffre est de 8.8 . Ce qui représente une réduction de risque absolu de 0.43%, chiffre dérisoire à côté de la réduction relative de 32% . En d’autres termes, cela signifie qu’il faut traiter 250 personnes par an pour éviter un événement cardiaque majeur, sans baisse de mortalité. A ce sujet en France depuis 1995, date de l’introduction des statines, il n’y a pas de baisse de l’incidence des coronaropathies ( BEH 28/02/2008 etude MONICA ) alors que 6 millons de Français consomment des statines . En prévention primaire, en dehors des patients à haut risque ( Diabètiques, HTA sévère, tabagisme) les Statines n’ont qu’un intéret médiocre et s’adressent à des patients déjà atteints d’affection cardiovasculaire ischémique
    Recopiez le code de sécurité.

    J’aime

  4. Merci pour toutes ces précisions intéressantes!
    François Pesty,
    Bonjour et contente de vous retrouver ici (nous nous sommes croisés sur une autre liste il y a quelque temps). Merci de vos encouragements qui tombent à pic, à un moment où ce n’est pas la grande forme…
    A propos, le lien que vous donnez reprend exactement le même texte du communiqué de presse (cf. lien dans mon texte, en plus de la conférence de presse vidéo). Mais on attend effectivement le texte complet.
    Bonjour Stéphane,
    je trouve votre démarche un peu étonnante: reprendre l’info sur SEAS sans dire par qui vous l’avez eu. Mettons que vous l’avez trouvée en même temps, même si j’ai fait la note en temps réel (et en donnant non seulement les sources à la base, mais aussi les sources par lesquelles j’ai eu l’info). Mais la caricature que vous reprenez aussi, elle ne figure pas du tout dans le même contexte. Ce serait très étonnant que vous soyez tombé tout seul sur les deux, en même temps que moi, et tout en venant laisser un commentaire sur ce blog.
    Vous savez, habituellement on dit quelque chose dans le genre: j’ai « vu sur le site Untel » ou merci à Untel pour l’info ou Untel en parle, mais j’ai envie d’approfondir, etc.
    Je fais cette remarque parce qu’il arrive souvent que des gens se servent sans un mot, et ça a été le cas plusieurs fois la semaine passée. J’en ai un peu marre de ces façons de faire. En faire en plus étalage sur le blog dont la personne s’est inspirée me paraît un peu fort de café.
    Voilà, ça devait être dit, parce que je préfère que les choses soient claires.

    J’aime

  5. J’ai lu l’info sur SEAS ici, http://www.medscape.com/viewarticle/577850?sssdmh=dm1.369870&src=nldne, comme je l’indique sur mon post et j’avais mis aussi en lien votre site, puisque vous donniez plus de références que moi il y est toujours d’ailleurs, vous pouvez vérifiez.
    Pour l’image, je ne vois pas où est le problème, mais je suis allez en choisir une autre ici. J’espère qu’elle vous conviendra mieux. http://www.glasbergen.com/fit.html.
    Votre site est bien fait mais ce n’est pas le seul lieu où il y a des informations si vous regardez mes posts, je donne toujours mes références.
    Voilà ça devait être dit, parce que je préfère que les choses soient claires.

    J’aime

  6. Bonjour,
    Je me permets de réagir aux propos ci-dessus de « Siary ». Je crois que vous n’avez pas bien lu l’étude MEGA publiée dans le Lancet. Je tiens à votre disposition le full-text. En effet, je vous confirme que : 1/ MEGA a bien démontré une baisse significative de -32% la mortalité à 5 ans de suivi (Total mortality = 66 (3,6) 43 (2,4) 0,68 (0,46–1,00) p=0,048) ; 2/ Les français, avec les japonais et les coréens présentent le plus bas risque cardiovasculaire au monde, avec 2 à 3 fois moins de décès par cardiopathie ischémique pour 100.000 habitants par an que les autres pays de l’OCDE, et notamment la plupart des pays où la quasi totalité des études avec statines ont été réalisés : USA, Canada, UK, pays scandinaves, Australie et Nouvelle Zélande ; 3/ Le nombre de patients à traiter pour éviter un événement majeur dans MEGA, n’est pas de 250, comme vous l’indiquez, mais de 119. Mais, je vous l’accorde, cela montre bien que même la meilleure des statines en prévention primaire, j’ai nommée bien évidement la pravastatine, n’est pas un médicament miracle ! 4/ Tout à fait d’accord avec vous et cela ne m’avais pas échappé (c’est d’ailleurs également dans mon dossier…), alors que la consommation en France des statines (d’après les chiffres de l’Afssaps, a été multipliée par plus de 5 entre 1994 et 2004, et par 2,6 entre 1997 et 2002, l’actualisation des registres Monica (publié dans le BEH que vous sitez) montre aucun recul de l’incidence de la maladie coronaire dans 3 agglomérations témoins, d’un millions d’habitants chacune, que sont Lille, Strasbourg et Toulouse. Comme quoi, s’il suffisait de donner des statines à tout le monde, cela se saurait ! Au passage, pravastatine 10mg générique = 6,89 €, INEGY 10mg/40mg : proche de 70 euros, soit dix fois plus cher ; Il y a encore des médecins pour le prescrire… Meilleures salutations.

    J’aime

  7. Une toute dernière précision utile je l’espère : Pour compléter sur MEGA, il faut également avoir lu, la Deuxième publication, publiée en janvier 2008 dans Circulation (Usefulness of Pravastatin in Primary Prevention of Cardiovascular Events in Women – Analysis of the Management of Elevated Cholesterol in the Primary Prevention Group of Adult Japanese). Car, autre grande caractéristique de MEGA, c’est la première étude à avoir inclus un nombre important de femmes et surtout, à avoir démontré un bénéfice en prévention primaire sur la mortalité globale et cardiovasculaire chez la femme ! Excusez du peu : HR=0,59 soit 41% de réduction p=0,046 ; Quant on sait qu’il y a 2 à 3 fois moins de décès chez la femme que chez l’homme et 2 à 3 fois moins de décès chez les japonais, français (chez l’homme comme chez la femme) que les anglosaxons, on comprend mieux pourquoi MEGA n’a pas été présentée aux médecins français par les labos… PS : je tiens aussi cette publication à votre disposition en BAL perso…

    J’aime

  8. Merci pour vos précisions .
    D’accord avec le chiffre de 119 pour éviter un événement coronarien majeur pour 5.3 ans ( ce qui fait un nombre de sujets à traiter par an de 631 pour éviter ce problème ) .
    Pour ce qui est de la mortalité totale ( traité versus placébo ):
    0.72 ( IC : 0.51-1.01)p : 0.055
    Mortalité non cardiaque :
    0.74 ( IC : 0.50- 1.09)
    Mortalité cardiaque :
    0.63 ( IC : 0.30-1.33)
    Plusieurs commentaires à propos de ces chiffres :
    La baisse de mortalité est dans cette étude un critère secondaire parmi 3 autres, le p doit donc être de 0.05: 3 soit 0.016 ( test de Bonféroni) pour éviter l’inflation du risque Alpha . En effet plus on augmente le nombre de critères, plus la probabilité que la différence significative à 5% soit due au hasard est importante
    P= 1-0.95 puissance n . Pour éviter ce risque, on divise 0.05 par n .
    Donc dans le cas présent, la baisse de mortalité n’est pas significative et probablement due au hasard, d’autant plus qu’il y a une diminution de la mortalité non cardiovasculaire qui ne s’explique pas autrement .
    dans cette étude, s’il faut traiter 119 personnes en 5 ans pour éviter un pb coronariendans la métaanalyse du CTT il faut en traiter 20 en prévention secondaire et 40 en prévention primaire chez des anglo-saxons qui ont un risque 3 fois plus élevé que les Français ou les Japonais.
    Je suis tout à fait d’accord avec vous concernant les chiffres que vous citez, mais je ne comprends pas votre enthousiasme pour Méga, car la conclusion qu’il faut en tirer , c’est que la prescription d’une Statine ne présente pas un grand intéreret chez les patients à faible risque CV .
    Bien cordialement

    J’aime

  9. La durée de suivi pour l’étude MEGA, était de 5 à 9 ans, avec un suivi moyen de 5,3 années. En fait, pour 87% des patients l’essai s’est terminé à 5 ans, et pour 13%, il s’est poursuivi au delà. Donc, il est tout à fait pertinent de prendre en compte les résultats à 5 ans. Je le rappelle la baisse de la mortalité globale est alors de 32% p=0,048 et même de 42% chez les 69% de femmes ; ce n’est pas rien quand même, et le TAHOR 1er CA planettaire de Big Pharma ne l’a lui toujours pas démontré ! Pourquoi suis-je enthousiaste ? Tout simplement, c’est le plus bel essai en prévention primaire, et le seul vraiment transposable à notre population française à bas risque CV et à la pratique courante au cabinet des médecins généralistes (85% des prescriptions de statines) c’est à dire au patient tout venant, en prévention primaire, avec un LDL modérément élevé, et un nombre de facteurs de risque associés modeste. Mon cas par exemple. Alors, oui, si 50% des 4-5 millions de français sous statines et dans cette situation au lieu d’avoir du TAHOR 10mg ou du CRESTOR 5, pire de l’INEGY, était sous pravastatine 10mg, ont aurait progressé sensiblement sur le plan de la santé publique et d’une prescription plus efficiente (au minimum, 350 millions d’euros d’économie annuelle récurrente tous régimes confondus…)

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s