Je déplore souvent l’absence de journalistes d’investigation qui aillent enquêter dans les coulisses peu réjouissantes de l’industrie pharmaceutique. Cette absence, associée au silence et à la passivité des hommes politiques et à l’absence de législation de défense des usagers et de liberté d’information, place la France dans une posture bien plus mauvaise que les pays anglo-saxons. Les conditions d’existence et d’actions efficaces d’éventuels « watchdogs » (chiens de garde) ne sont pas assurées et rien ne protège les lanceurs d’alerte qui dénonceraient individuellement des dérapages, des conflits d’intérêts, des délits, des fraudes et autres actes de corruption.
Mais il y a des exceptions heureuses, et il faut en parler, les encourager, acheter leurs livres, les soutenir en diffusant l’information, pour ne pas les laisser en proie aux procès que leur intentent les multinationales, qu’il s’agisse des producteurs d’OGM, du lobby du sel, du lobby agroalimentaire ou de l’industrie pharmaceutique.
Scientifiques d’exception, journalistes d’exception… Je veux parler ici plus en détail de Marie-Monique Robin, réalisatrice du documentaire dont il a été question dans la note précédente: « Monsanto, vers un biototalitarisme à coups d’OGM, de brevets et de conflits d’intérêts dans les isntances de décision« .
Voici la précédente enquête de Marie-Monique Robin sur les dégâts des OGM, à l’exemple du soja transgénique : « Les pirates du vivant – L’Argentine, le soja de la faim ». Documentaire diffusé sur Arte en décembre 2006 dont vous pouvez voir la vidéo intégrale sur Dailymotion. Claude Bossard commente dans « Télérama » : « Pour avoir tout misé sur le soja transgénique, l’Argentine risque de tout perdre, y compris sa sécurité alimentaire. C’est l’un des constats terrifiants faits dans cet excellent reportage. Tout avait pourtant bien commencé… quand, en 1996, Buenos Aires autorise la culture de cet OGM, conçu par la multinationale américaine Monsanto pour résister au Roundup, son puissant herbicide (…).
Les agriculteurs argentins investissent dans le soja transgénique de Monsanto, qui recouvre maintenant la moitié des terres cultivables et abandonnent les autres productions, moins rentables. Mais ils n’avaient pas prévu l’apparition de mauvaises herbes tolérantes au Roundup et donc la nécessité de pulvériser davantage d’herbicide. Ces épandages massifs anéantissent les autres cultures, ils provoquent des problèmes de peau, de thyroïde et des complications respiratoires. S’y ajoute une catastrophe écologique avec une déforestation massive… On entend la détresse des paysans, l’inquiétude des ingénieurs agronomes et des médecins, l’embarras du gouvernement et le silence de Monsanto. »
Et voici un article de l’Humanité (2002), présentant Marie-Monique Robin qui venait d’écrire son livre « Voleurs d’organes. Enquête sur un trafic », aux Éditions Bayard, pour lequel elle a reçu le prix Albert Londres. L’article s’intitule : « Marie-Monique Robin, grand reporter sous pressions médiatiques »
Une autre enquête de Marie-Monique Robin a abouti en 2004 au livre « Escadrons de la mort. L’école française », sur les tortures et actes de barbarie commis par l’armée française en Algérie et leur rapport avec les exactions en Amérique du Sud du temps des dictatures.
Voici la présentation de l’éditeur : « Dans les années 1970 et 1980, les dictatures militaires du Cône sud de l’Amérique latine ont férocement réprimé leurs opposants, utilisant à grande échelle les techniques de la guerre sale (rafles, torture, exécutions, escadrons de la mort…).
C’est en enquêtant sur l’organisation transnationale dont s’étaient dotées ces dictatures – le fameux Plan Condor – que Marie Monique Robin a découvert le rôle majeur joué secrètement par des militaires français dans la formation à ces méthodes de leurs homologues latino-américains. Dès la fin des années 1950, les méthodes de la bataille d’Alger sont enseignées à l’École supérieure de guerre de Paris, puis en Argentine, où s’installe une mission militaire permanente française constituée d’anciens d’Algérie.
De même, en 1960, des experts français en lutte antisubversive, dont le général Paul Aussaresses, formeront les officiers américains aux techniques de la guerre moderne qu’ils appliqueront au Sud Vietnam. Des dessous encore méconnus des guerres françaises en Indochine et en Algérie, jusqu’à la collaboration politique secrète établie par le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing avec les dictatures de Pinochet et de Videla, ce livre – fruit d’une enquête de deux ans, en Amérique latine et en Europe – dévoile une page occulte de l’histoire de France, où se croisent aussi des anciens de l’OAS, des fascistes européens ou des moines soldats agissant pour le compte de l’organisation intégriste la Cité catholique. »
Et voici un commentaire plus approfondi par la Ligue des Droits de l’Homme de Toulon.
Elena Pasca
L’huma a quand même la mémoire courte, car avant de la découvrir « militante » ils doutaient du caratère rigoureux de ses enquêtes :
http://www.humanite.fr/1995-09-19_Articles_-Un-reportage-sous-le-feu-de-la-critique
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Pour lancer une nouvelle enquête hautement dérangeante, quelqu’un pourrait-il me communiquer le mail de Marie Monique Robin ?
Merci
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