J’adapte le titre du Canard enchaîné: « Le hold-up des toubibs« , dans un billet d’humeur, mais bien documenté, quand même.
10.000 contrats d’amélioration des performances individuelles / CAPI, rien que pour le moment et sachant que certains spécialistes en veulent aussi; ils coûtent de 5.000 à 7.000 euros en moyenne par an et par généraliste. Il faudra les payer. Tout comme les dépassements d’honoraires, qui ne seront plus limités à certains médecins, puisque le secteur optionnel va les généraliser progressivement. Il faut payer l’énorme gaspillage dans les mesures contre la grippe A (au moins 1,5 milliards d’euros). Les médecins et les infirmiers ont négocié leurs tarifs pour assurer la campagne de vaccination, mais les négociations n’ont curieusement porté que sur l’argent, et pas du tout sur le bien-fondé de la vaccination, sur la sécurité des vaccins, etc.
La liste des espèces en voie de disparition s’allonge. Menacé de disparition, le médecin mandataire de l’intérêt de la santé de ses patients, qui cherche à faire avancer ses intérêts en même temps que les intérêts des patients. Remarquez, ce n’est qu’un autre clou au cercueil de la solidarité républicaine. Et puis, la France n’a-t-elle pas le talent – la différence culturelle, peut-être? – d’essayer malgré tout des recettes qui ont échoué ailleurs ?
Je reprends des extraits de plusieurs sources, histoire de montrer que l’opinion publique s’émeut de plus en plus de cette divergence-là entre les intérêts de ceux qui devraient en principe se faire confiance, vivre les uns avec les autres, les uns grâce aux autres, si je puis dire. A priori, la République ne veut pas dire permettre aux uns de vivre beaucoup mieux alors que leurs « partenaires » immédiats risquent de crever. Au sens propre du terme, puisqu’il s’agit de l’impossibilité d’une partie de plus en plus large de la population de se soigner, faute d’argent.
Donner ces références permet de montrer qu’il y reste encore quelques médecins qui se rendent compte que la pente est glissante, qu’on s’éloigne de plus en plus de la médecine… Si on pense aussi aux affaires des médecins avec l’industrie pharmaceutique…
Il y a un article de Marianne; un autre du Canard Enchaîné; deux communiqués de presse du Syndicat de médecine générale (SMG) et un article plus ancien de Marie Kayser de SMG/ revue Pratiques; un article de Martin Winckler sur l’hypocrisie dans l’approche des dépassements d’honoraires; deux communiqués du CISS (Collectif interassociatif sur la santé)…
Illustration: Sud Santé (dans un texte instructif)
A lire la presse médicale, dont la plupart des titres appartiennent à l’empire médiatique de Gérard Kouchner, il est saisissant, écoeurant même, de voir à quel point il n’y est question – en plus des publicités pour l’industrie pharmaceutique, à but lucratif elles aussi – que d’argent. Les syndicats ne se battent que pour cela: se plaindre sans cesse des revenus de famine, se battre pour gagner plus et pour refuser toute « contrainte » (pas de restriction du droit d’installation, pas de répression en cas de refus de la CMU, pas de testing pour constater les discriminations, permanence des soins uniquement sur la base de volontariat, pas d’encadrement des honoraires…). La lecture de quelques-uns de ces journaux purement publicitaires a de quoi retourner même les estomacs les plus solides…
Toutes les mesures de la loi HPST (Hôpital, patients, santé, territoires) qui auraient pu apporter un équilibre avec l’intérêt des patients et de la collectivité dans son ensemble – collectivité qui paie pour une mission de service public, me semble-t-il – ont été éliminées. Il est curieux de voir que ce discours parlant de la « responsabilisation » nécessaire au vu des déficits de la Sécurité sociale s’applique en un sens diamétralement opposé aux patients et aux médecins. Les patients paient toujours plus (forfaits de consultation et hospitaliers toujours plus élevés, franchises médicales, médicaments déremboursés, inégalités d’accès aux soins (géographiques et socio-économiques), obstacles croissants à l’exercice de leurs droits (arrêts de travail, indemnités journalières, transports médicaux…).
Par contre, les mêmes autorités qui font les poches des malades et en poussent de plus en plus à renoncer aux soins, responsabilisent les médecins en leur donnant toujours plus, mais de la pire façon qui soit… Que ce soit avec le CAPI, la dérégulation des honoraires, les avantages en termes d’assurances et cotisations payées par la collectivité ou alors à travers le maintien de certains privilèges, même lorsque la situation de toute la collectivité exige des changements. Un changement urgent serait de résoudre le problème des déserts médicaux.
Les lecteurs auraient tort de voir là un affect anti-médecins ou une recherche d’effets populistes. Ce serait trop facile de balayer les critiques sous des prétextes aussi superficiels… J’ai toujours dit que ce qui me pose problème, ce n’est pas que la médecine générale de secteur 1 cherche une revalorisation (méritée), pour ne donner que cet exemple. Mais c’est de voir la plupart des syndicats de médecins ne porter QUE des revendications corporatistes, comme si la médecine n’était pas nécessairement une relation entre deux parties ayant des intérêts communs (en principe, du moins), comme si elle était un commerce comme les autres, où l’on vendrait de plus en plus cher des soins sans se demander si les usagers – conçus comme des clients… – ont de quoi payer.
(A part pour les titres, c’est moi qui souligne en rouge).
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« Loi Bachelot. Tous perdants… Sauf les (ultra)libéraux »
par Clotilde Cadu, Marianne du 6 juin 2009, p. 46
« Ils ont réussi à faire plier le gouvernement et les parlementaires sans même sortir de leurs cabinets médicaux. (…) Les médecins les plus libéraux peuvent se féliciter: les gagnants de cette réforme du système de santé, ce sont eux. Grâce à des actions de lobbying soutenues, les représentants d’une médecine ultralibérale ont désamorcé les mesures contraignantes qui leur pendaient au nez et ont obtenu le maintien de leurs avantages. Les dépassements d’honoraires? Pas encadrés. Les gardes et astreintes? Toujours pas obligatoires. La légalisation du testing dans les cabinets médicaux pour traquer le refus de soins? Supprimée. Même la sacro-sainte liberté d’installation est préservée. (…)
« C’est le statu quo. On va continuer à demander des dépassements d’honoraires scandaleusement élevés et non justifiés, y compris au sein de l’hôpital public » (…), s’agace Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française. « On assiste à de vrais reculs en termes de soins et de santé« , se désole aussi Marie Kayser, secrétaire générale du syndicat de la médecine générale. (…)
« Il semble que l’on va vers un double mouvement: la dérégulation croissante de la médecine de ville, d’un côté; la restructuration autoritaire et la paupérisation du parc hospitalier public au profit du secteur lucratif, de l’autre« , s’alarme Frédéric Pierru, sociologue, chargé de recherches au CNRS. Où l’on voit que, dans la loi HPST, les vrais perdants, ce sont les patients.«
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« Le hold-up des toubibs »
Par Isabelle Barré, Le Canard Enchaîné du 21 octobre, p. 4
« Ils sont trop forts, les syndicats de médecins. Jeudi 15 octobre à 23 heures, ils ont signé rien de moins que la mort lente du tarif Sécu pour les honoraires des toubibs. Et l’assurance-maladie a signé cet accord des deux mains… Actuellement, il y a deux grilles d’honoraires. Les toubibs dits « de secteur 1 » appliquent le tarif Sécu en échange d’une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales. Et ceux du « secteur 2 » ont le droit d’appliquer des dépassements d’honoraires, avec « tact et mesure« , dixit la loi. Sauf que les dépassements se sont envolés, ces dernières années, et qu’ils ne sont pas remboursés.
L’Etat aurait pu sanctionner les goinfres, mais, à la place, il a aimablement demandé aux syndicats de médecins d’imaginer un troisième secteur, dit « optionnel », qui vient s’ajouter aux deux autres. Bon courage aux patients pour s’y retrouver.
Dans un premier temps, seuls les gynécos, les anesthésistes et les chirurgiens seront concernés. S’ils adhèrent au secteur optionnel, ils auront une contrainte: facturer 30% de leurs actes au tarif Sécu. Et deux gros avantages. Primo: leurs autres actes seront tarifés 50% plus cher. Deuzio, une partie de leurs cotisations sociales (Urssaf, retraite) sera payée par l’assurance-maladie, comme pour le secteur 1. Bonne affaire, y compris pour les toubibs coincés au tarif Sécu qui ont tout intérêt à rappliquer! « C’est une façon de revaloriser leurs honoraires, en reportant la charge sur les patients« , estime le député UMP Yves Bur, membre du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie, qui pronostique « la disparition du secteur 1 au profit du secteur optionnel« . Fini, le tarif Sécu!
Dans leur grande bonté, mutuelles et assureurs privés ont quand même accepté de rembourser les dépassements d’honoraires du futur secteur optionnel. Mais rien n’est gratuit. Les complémentaires ont déjà compensé les franchises et les baisses de remboursement des médicaments en augmentant joliment les cotisations des assurés. Interrogé par « Le Canard », un dirigeant de la Mutualité française livre ce chiffre qui ne court pas les gazettes: entre 2002 et 2008, le prix des complémentaires a flambé… de 51%. Vite une aspirine! »
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Voici le communiqué de presse du Syndicat de la Médecine Générale, en date du 20 octobre 2009:
« Secteur optionnel : Halte à l’hypocrisie ! »
« Au moment où le gouvernement mène campagne contre les soi-disant abus d’arrêts de travail, il légalise les abus de dépassements d’honoraires en les généralisant ! Un protocole d’accord sur la création d’un nouveau secteur conventionnel appelé « secteur optionnel » est intervenu le 15 octobre 2009 entre l’Assurance maladie, les organismes complémentaires et deux syndicats de médecins (CSMF, SML) (1).
Le SMG dénonce cet accord et l’habillage mensonger qui l’enveloppe.
Ce protocole d’accord concerne actuellement les chirurgiens, les anesthésistes-réanimateurs et les gynécologues-obstétriciens : ceux d’entre eux qui exercent encore en secteur 1 à tarifs opposables et qui possèdent un titre hospitalier (2) vont pouvoir choisir ce secteur et faire des dépassements d’honoraires « maîtrisés », c’est-à-dire dépasser de 50 % le tarif opposable pour 70 % de leurs actes. La conséquence immédiate en sera l’augmentation du nombre de praticiens effectuant des dépassements d’honoraires. Les praticiens qui exercent en secteur 2 pourront continuer leurs dépassements « sauvages » ou les « maîtriser ». En échange, l’ensemble des praticiens en « secteur optionnel » bénéficieront d’une prise en charge par l’Assurance maladie de leurs cotisations sociales, assise sur la partie opposable de leurs actes, donc du même niveau que ceux qui ne font pas de dépassements d’honoraires. Au bout de trois ans, l’accord prévoit que la pérennisation et l’extension de ce secteur pourra se faire à d’autres spécialités si l’ensemble de l’offre à tarifs opposables et « maîtrisée » est « suffisante » : comme si pour le patient, c’était équivalent d’être remboursé par l’Assurance maladie 70 euros pour le même acte tarifé 100 euros (secteur opposable) et 150 euros (secteur « maîtrisé »), le taux de remboursement passant de 70 % à 46 % !!!
A terme, le risque est grand de voir ce « secteur optionnel » ouvert à l’ensemble des médecins de secteur 1.
Sous prétexte « d’encadrer » donc de moraliser la pratique des dépassements d’honoraires, cet accord l’étend et créé un amalgame entre tarif opposable et tarif « maîtrisé », il est donc immoral.
Cet accord fait croire à une prise en charge des dépassements par les assurances complémentaires, mais en réalité, il pénalise financièrement les patients : le dépassement d’honoraire sera entièrement à la charge de ceux qui n’ont pas de complémentaire (3). Pour les autres, le tarif des complémentaires va augmenter.
Cet accord est un grand pas supplémentaire vers le désengagement de la prise en charge des soins par l’Assurance maladie obligatoire alors que l’accès aux soins s’aggrave dans notre pays (3).
D’autres réponses à la question de la rémunération des médecins, impliquant un débat sur les conditions de la qualité des pratiques professionnelles, sont nécessaires.
Tout accord sur les revenus des professions soignantes se faisant au détriment de la prise en charge socialisée du soin est injuste, car il fait basculer les plus pauvres et les plus malades dans le renoncement aux soins et l’aggravation de leurs pathologies. Est-ce cela que les Français veulent ?
(1) Pour être applicable cet accord doit être intégré dans la future convention médicale.Voir sur le site du SMG : texte du protocole d’accord et analyses http://www.smg-pratiques.info/-secteur-optionnel-.html
(2) Ce qui est souvent le cas : anciens chefs de clinique par exemple. (3) En 2006 plus de 7 % des français n’avaient aucune couverture complémentaire, taux variant de 14 % à 3 % selon le revenu des ménages ; 14 % des patients avaient renoncé à se soigner sur les douze derniers mois pour des raisons financières, score monté à 32 % pour les personnes sans couverture complémentaire. Enquête Santé protection sociale de l’IRDES, 2006, http://www.irdes.fr/EspacePresse/CommuniquesDePresse/ComPresseAutre/DossierPresseESPS2006.pdf
SMG – Contacts:
Patrick Dubreil 06 32 70 92 37
Marie Kayser : 06 86 55 80 02
L’article de Marie Kayser, « Secteur optionnel: un danger supplémentaire pour l’accès aux soins« , date de juillet 2008, mais reste d’actualité, puisqu’il explique parfaitement la logique qui est mise en oeuvre pas à pas.
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« Secteur optionnel : première vague en 2010, déferlante après la présidentielle ! »
Communiqué du CISS: Collectif interassociatif sur la santé
« Le secteur optionnel est donc « conceptuellement » créé. Reste maintenant à le faire déferler sur le pays. En deux vagues. Le document prévoit en effet que le secteur optionnel sera ouvert, dès 2010, aux spécialités des plateaux techniques lourds (anesthésie, chirurgie et gynécologie-obstétrique) et qu’il sera ensuite généralisé … après la présidentielle de 2012 (tiens donc !).
Pour rester dans le socialement acceptable, et maintenir une communication politiquement correcte, les négociateurs ont donc préféré une application en deux étapes.
Par ailleurs, mus par un profond instinct de conservation, les négociateurs ont bouclé leur affaire une heure avant le délai fixé par le Parlement pour éviter que le Gouvernement ne s’en préoccupe lui-même.
Par quoi, il faut comprendre que l’on va donc continuer à décider du sort des Français sans leur demander leur avis, entre amis négociateurs. Tout ce petit monde aime tellement la démocratie sanitaire qu’il préfère s’en passer !
Rendez-vous est donc pris pour qu’avant le 12 janvier prochain les contours opérationnels du secteur optionnel soient fixés. On pouvait rêver mieux pour les vœux du nouvel an…
Car personne n’est dupe : il s’agit là d’une étape décisive de l’institutionnalisation du transfert du régime d’assurance maladie obligatoire vers celui des complémentaires, que nombre de nos concitoyens ne peuvent plus s’offrir. Chaque jour nous nous dirigeons un peu plus vers la fin d’un système de santé solidaire. »
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Commentaires de Pharmacritique intercalés…
Tout se décide par-dessus la tête des usagers, qui laissent faire. Jusqu’à quand?
Malgré quelques changements cosmétiques et quelques exceptions, les usagers restent des incapables aux yeux de la corporation médicale; comme on parlait jadis de l’incapacité civile des femmes… Tout juste bons à payer, mais exclus de toute décision, qu’il s’agisse de la décision médicale comme de la décision sur les cadres et les modalités de l’exercice de la médecine. Le CISS parlait de ces « amis négociateurs » décidant sans aucun débat public, par-dessus la tête des usagers, comme si ceux-ci devaient rester éternellement des objets de soins, passifs, sans parole propre, sans intelligence propre, sans moyens d’évaluation de ce qui les concerne. C’est le médecin seul qui saurait ce qu’il convient de faire, analyse Martin Winckler, et cela vaut aussi bien pour la relation individuelle médecin – patient que pour le niveau collectif. C’est comme ça parce qu’on l’accepte, parce qu’on cautionne le système.
Les médecins sont de facto au-dessus des lois, puisque le non respect des lois et réglementations – égalité, non discrimination, accès égal aux soins, acceptation obligatoire de la CMU – ne peut pas être réprimé. Le Dr Michel Legmann, président du conseil de l’ordre, a trouvé insupportable que les médecins puissent être « jugés » par d’autres que les confrères… Quelle catégorie socio-professionnelle bénéficie de nos jours de tels privilèges ? Par ailleurs, l’un des aspects qui m’exaspère dans le CAPI, c’est de voir des médecins attendre qu’on les paie pour faire ce qu’ils devraient faire de toute façon. Certaines préconisations de l’assurance-maladie vont dans le bon sens – prescrire des génériques, par exemple. Mais pourquoi faut-il payer un 13ème mois aux médecins pour qu’ils le fassent ? Quelle autre profession est payée en plus pour faire le travail qui est le sien ? Au lieu d’être pénalisée si jamais la collectivité estime qu’elle le fait mal ? Et comment des médecins peuvent-ils affirmer qu’ils signent des CAPI pour… faire des économies ? Comment peut-il être éthique de traiter tous les patients de la même façon, par pourcentages à atteindre, par tranche d’âge et par pathologie, exactement comme du bétail ?
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Un autre communiqué du CISS en date du 20 octobre 2009 en dit long:
« Dépassements d’honoraires et refus de soins : intact et démesure… »
« Réaction du CISS au projet de décret d’application de l’article de la loi HPST traitant des dispositions pour lutter contre les refus de soins illégitimes et les dépassements d’honoraires abusifs.
Le projet de décret d’application de la loi HPST relatif aux dispositions visant à lutter contre les refus de soins illégitimes et les dépassements d’honoraires abusifs vient d’être soumis à la concertation. Il confirme un sentiment déjà largement perceptible dans le texte de loi : on a remis de l’Ordre dans un texte initial qui faisait désordre.
Les refus de soins
Nous nous souvenons avec nostalgie du texte avant son examen parlementaire qui prévoyait d’aménager la charge de la preuve et de recourir au testing pour prouver l’existence de refus de soins illégitimes. Mais non contents de balayer ces dispositions courageuses, les parlementaires ont également inventé la commission de conciliation : le but ? Tout faire pour que la plainte n’aboutisse pas.
Aujourd’hui, le décret d’application renforce cette idée ajoutant quelques stupéfiants détails. Ainsi :
- le professionnel mis en cause peut être convoqué par la commission de conciliation avant la conciliation mais pas la victime ;
- le professionnel peut être assisté ou représenté lors
de la conciliation tandis que la victime ne peut qu’être assistée ; - les sanctions sont possiblement applicables donc facultatives, alors que dans le cas de la lutte contre la fraude de la part des assurés, les sanctions prévues sont obligatoires et systématiques.
Tout est mis en place pour que la plainte si elle n’est pas abandonnée après la conciliation finisse entre les mains du conseil de l’Ordre que l’on sait toujours très sévère avec ses confrères. Un avertissement, puis au bout de 15 avertissements un blâme, et après 30 blâmes l’obligation de soigner quatre patients bénéficiaires de la CMU-c par an. On peut imaginer que le conseil de l’Ordre n’hésitera pas à appliquer ces terribles sanctions disciplinaires. En effet, les potentielles sanctions financières, que seul l’organisme d’assurance maladie peut prendre, n’interviennent qu’en cas de carence du conseil de l’Ordre…
Les dépassements d’honoraires
Dans ce domaine, les sanctions envisagées paraissent bien dérisoires puisque le décret prévoit que les médecins n’informant pas correctement leur patient du dépassement ou appliquant un dépassement ne respectant pas le tact et la mesure risquent de devoir payer une – voire dans certains cas deux – fois le montant du dépassement ! Quelle folie !
Bien entendu, aucun plafond n’est fixé pour limiter ces dépassements, le décret préfère confirmer l’horripilante notion de « tact et mesure » en demandant au médecin d’apprécier le montant du dépassement en fonction « de la situation financière de l’assuré » et du « pourcentage d’actes avec dépassement et du montant moyen de dépassements pratiqués, pour une activité comparable, par les professionnels de santé exerçant dans le même département ou dans le ressort de la même région administrative ».
On en reste rêveur. Les patients devront donc venir en consultation avec leur fiche de paie et accompagnés d’un économiste de la santé !
L’aléa de la maladie est déjà bien suffisant pour ne pas subir en plus l’exclusion des soins en raison de l’infortune. Le pacte social de santé est plus que jamais mis à mal… sans réaction à la hauteur de ce que devrait susciter naturellement le souci de la cohésion nationale. Les organisations de la société civile sont aux abonnés absents !
Pourtant, plus que jamais, ce dont les usagers ont besoin, c’est de protection. »
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« Tact et mesure »
Texte de Martin Winckler, janvier 2008 (lire l’intégralité sur cette page)
« Il est bien évidemment au moins stupide, au pire hypocrite, de penser que pareille expression peut avoir le moindre effet sur le comportement d’un professionnel lorsque celui-ci décide de ne pas respecter la réglementation des honoraires. (…)
Attendre d’un médecin de fixer ses honoraires « avec tact est mesure » est une hypocrisie : le tact et la mesure n’ont rien de « naturels », ce sont des mots porteurs de valeurs de classe, des mots codés en usage dans la bourgeoisie la plus archaïque (…).
« Avec tact et mesure » est une expression qui présuppose que le médecin, de par son statut, de par sa fonction, de par son éducation, sait toujours agir de manière appropriée à l’égard des patients qui le consultent, non seulement par son comportement, mais aussi en fixant le montant de ses honoraires. Autrement dit, encore une fois, cela sous-entend que c’est au médecin de décider, et qu’il est le seul apte à le faire. C’est une valeur de classe dominante. (…)
Il en est [des médecins] qui aiment leur métier et respectent les personnes. Il en est d’autres qui détestent l’un et les autres, et qui, sous prétexte de se « dédommager » de leurs insatisfactions professionnelles, de leurs frustrations personnelles, font payer sans vergogne ceux qu’ils sont censés servir.
Et puis il en est qui, tout imbus de leur importance, pensent que c’est à eux de fixer ce qu’ils valent, en monnaie sonnante et trébuchante. Ce n’est pas de l’escroquerie – ils sont persuadés d’être dans leur bon droit – c’est, tout simplement, de la vanité.
Mais soigner est un métier de relation et – sauf erreur de ma part – frustration, insatisfaction et vanité n’ont jamais été des qualités relationnelles et professionnelles. »
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« CAPI, le SMG dit NON! »
Extraits du communiqué de presse du Syndicat de la médecine générale à propos des contrats d’amélioration des pratiques individuelles. J’ai lu – et parfois relayé – plusieurs prises de position et initiatives de ce syndicat et de la revue Pratiques, et elles me semblent très intéressantes. C’est rassurant de voir une organisation de médecins exprimer de telles positions. Une réflexion et une pratique « associant les citoyens« … La voix de la raison. Bravo, le SMG !
« (…) Il est inacceptable de construire cette démarche exclusivement sur des normes biomédicales, sur des statistiques de l’Assurance Maladie, qui font tous les jours la preuve de leur inexactitude.
Il est inacceptable de limiter cette démarche uniquement à un partenariat bilatéral médecin – caisse, faisant fi de la réflexion et de l’organisation collective de la profession et du travail en coopération.
Il est inacceptable de prendre le risque que certains professionnels refusent l’accès aux soins à certains patients pour améliorer leurs résultats.
Il est inacceptable de prendre le risque de se voir imposer d’autres items entraînant une restriction d’accès aux soins.
Les médecins généralistes ne sont pas des mulets qui marchent à la carotte (prime d’intéressement à la performance) et au bâton (normalisation et formatage des pratiques) !
Le SMG rappelle que : Sortir du paiement à l’acte doit être associé à la prise en charge globale de la santé dans ses composantes sociales, préventives et curatives. Cela doit s’appuyer sur la confrontation et l’échange des pratiques, sur une définition des priorités, en termes de santé, associant les citoyens. Valoriser la prise en charge collective de la prévention, du choix des traitements reconnus et validés, doit s’accompagner d’un complément de rémunération forfaitaire permettant ces pratiques. C’est une idée que le SMG défend depuis plus de trente ans ! »
bonjour, remarquez que le capi n’a attiré que dix poucent des médecins avec une forte pression de la cpam. Quatre vingt dix pour cent n’ont pas signé.
La consultation du généraliste 22€ c’est le prix d’une coupe de cheveux! les deux se suivent depuis 25 ans , ne vous étonnez donc pas s’il manque des généralistes dans les déserts, demain ils manqueront dans les villes aussi.
pour les syndicats je vous l’accorde ils roulent pour eux même.
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Effrayant………et Madame Bachelot essaie de nous faire croire qu’elle ne nous veut QUE du bien avec son vaccin contre la grippe A.
Ce n’est pas nous que l’on veut protéger, c’est l’économie, c’est beaucoup plus important que la santé.
Qu’elle aille se faire vacciner et qu’on ne l’entende plus, je n’en peux plus !!!
Je ne peux m’empêcher à tous ces pauvres gens, handicapés, retraités, chômeurs, etc….quel beau cadeau pour commencer l’année. Où allons-nous ?
Mais où sont donc passés nos braves médecins, chirurgiens d’antan ?
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Très intéressante revue de presse, merci
Deux remarques.
NS a été élu avec 53% des voix des français. Il n’a jamais menti sur son désir de dérégulation et de démontage des acquis sociaux (je viens de prononcer un gros mot). Démonter le systéme de santé français et la solidarité intrinséque du systéme ne peut être qu’un objectif pour un néolibéral. Ce que nous voyons est le fruit de cette idéologie.
Il faudra bien un jour que renaisse une idéologie qui fasse le contre-poids.
La deuxième concerne la médecine libérale. C’est une aberration aussi bien économique qu’éthique. J’ai toujours pensé qu’il fallait que les soignants soient soit des salariés intégraux du systéme payeur détaché des contraintes clientélistes soit qu’il existe une forfaitarisation pour le soins primaire.
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Stéphane (« Kyste »), merci beaucoup pour votre commentaire!
Je suis entièrement d’accord avec vous, et il faudrait thématiser la médecine libérale, ouvrir un débat sur les pour et les contre.
Moi, ayant connu un modèle différent, j’ai eu du mal à m’habituer par la suite et n’ai jamais pu admettre les consultations de 10 minutes, 15 tout au plus.
Débattons pour voir si la médecine salariée ne serait pas plus apte à concilier recherche d’une augmentation des revenus pour les médecins et une médecine de meilleure qualité.
Marc posait la même question sur la remise en cause de la médecine libérale. Marc, revenez, SVP, nous avons besoin de vous pour porter ce débat (et pas seulement).
J’ai une journée très chargée et ne suis pas au top de la forme, alors je répondrai plus en détails – aussi au commentaire précédent – soit tard dans la nuit, soit demain.
Je voudrais simplement que mes intentions soient claires: sauver la solidarité médecin/ patient, ne pas les disjoindre.
Merci, Stéphane, et à plus!
Elena
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bonjour
il faudrait éviter les amalgames : tous les médecins n’ont pas fait un hold up !
il ne faudrait pas appliquer la réalité des spécialistes secteur 2 à Paris ou des grandes villes à l’ensemble des médecins de la France!
90% des médecins généralistes sont en en secteur 1
80% des médecins généralistes ont refusé le CAPI
les refus de soins sont exceptionnels dans le secteur 1
nos honoraires sont bloqués à 22 euros et nos charges augmentent je ne vois pas ou est le hold up pour les médecins du secteur 1
lire par ailleurs le point de vue d’un médecin sur le secteur 2 et les patients bénéficiant de la CMU
http://www.atoute.org/n/article125.html
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Bonjour Eléna
Je continue à lire votre blog avec intérêt .
Le 26/07/09 vous écriviez que » Nous n’avons plus rien à nous dire » et j’en ai pris acte
En quoi aujourd’hui est-ce important que je m’exprime?
Bien à vous
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J’ai découvert ce blog depuis peu.
Médecin Généraliste convaincu du bien fondé de notre métier, de sa déontologie,… je me suis rangé, avec le temps et l’expérience vers une médecine à visage humain, au service de ses patients avec responsabilités et respects mutuels. Du moins, je l’espère.
J’informe mes patients par un petit « journal » que je rédige chaque mois.
J’essaye d’apporter de l’objectivité dans mon métier.
Je refuse les délégués médicaux ( qui me reprochent de ne pouvoir être correctement informés et m’ont fait du chantage au chômage ) parce que certains m’ont demandé de renvoyer l’ascenseur en raison de prétendus avantages ( très utiles pour mon exercice quotidien ).
J’ai travaillé pour diverses revues médicales dont un quotidien. Je ne vais plus dans les réunions « labos », usines à goinfrer des praticiens qui dans ces lieux donnent l’impression de ne pas manger à leur faim chez eux…
Je suis abonné à Prescrire.
J’ai exercé en établissement privé.
Les compléments d’honoraires réclamés par les spécialistes du service public me sont insupportables ( surtout s’ils sont remboursés par les mutuelles ).
Je fus membre d’un conseil départemental de l’ordre des médecins.
Je fus aussi Maire et connais bien les problèmes sociaux.
Je refuse le CAPI.
Bref je crois être un connaisseur objectif de la réalité de la médecine générale en France en restant le libéral convaincu que je suis toujours y adjoignant les difficultés sociales de nos concitoyens. Une problématique croissante de manière exponentielle.
Et je rejoins complètement les analyses faites ici, sorte de synthèse de ce qu’il est permis de considérer comme étant le pourrissement d’un système où l’argent roi oublie les hommes, leurs réalités, leurs diversités, leurs richesses pour décrire un moule commun : pour être en bonne santé, il faut payer.
La solidarité ? Tout le monde cotise à hauteur de ses moyens et personne n ‘en parle. Un oubli stratégique pour les gouvernants ?
Oui les syndicats médicaux ont mis le patient de côté pour des intérêts particuliers.
Les associations de patients ont le mérite d’exister. Mais elles sont souvent noyautées par des labos, au même titre que certaines publicités du grand public.
J’en resterai là pour ce soir.
Beaucoup de « Je », certes, dans cet espèce de catalogue en guise de CV désorganisé. Peu importe.
Merci pour exister.
Je recommande Pharmacritique dans mon entourage…
PierreM29
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Bonsoir,
gynéco en secteur 1, j’entends régulièrement « c’est tout ? » et (pire) « gardez la monnaie »… (je devrais mettre une tirelire sur mon bureau, comme chez le coiffeur)
Depuis des années, on s’acharne à creuser le fossé entre généralistes et spécialistes, que ce soit en fac (où l’enseignement était fait par des spécialistes, le plus souvent méprisant des généralistes), pendant mon internat (le patron ne s’adressait qu’aux internes de médecine générale qui préparaient ou venaient de réussir le concours), lors des revalorisations des lettres clefs (+ 1 euro pour les généralistes, trois ans plus tard + 1 euro pour les spécialistes)….
Le but étant toujours d’entretenir les rivalités, histoire de ne pas nous faire travailler ensemble dans l’intérêt du patient.
A présent, on va permettre à certains d’accéder à un secteur optionnel (je suis prête à parier que la majorité s’y engouffrera, et ce d’autant plus que la dernière augmentation de la Cs date de 2003 et fut de 13 centimes.) D’un côté on met de l’huile sur le feu du mécontentement, de l’autre, on divise en favorisant certains, et en brimant d’autres.
Résultat des courses, les généralistes se sentent méprisés, et les spécialistes abandonnés (je parle bien entendu du secteur 1, le secteur 2 et ses tarifs démesurés n’est pas à plaindre.)
Si j’ai choisi le secteur 1, c’était pour ne pas avoir à me poser de question, et ne pas « tarifer au sac à main ».
Pour l’instant, pas question de secteur optionnel : sa naissance n’a pour but que de désengager un peu plus la Sécu des remboursements.
Les choses ont suffisamment été aggravées par les 2 x 50 euros des franchise médicale… ça suffit.
Le gros « hic » de tout ça, c’est que nous parlons de médecine LIBERALE… le principe du libéral, c’est de faire du pognon, pas d’écouter, et pas de faire preuve de tact ou de mesure…
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Bonjour,
Je suis spécialiste secteur 1 sur le point de demander une retraite anticipée à 61 ans.
J’ai découvert que l’asv représentait 41% de cette retraite. Que ce régime avait été instauré par l’état et les caisses pour assurer le respect des honoraires conventionnés en prenant à leur charge les 2/3 des cotisations de ce régime.
Dans le cadre d’une loi de 2006 pour lutter contre le déficit de la sécu, état et caisses sont revenus sur leur engagement et il y aurait une baisse significative des retraites, même à titre rétroactif. Que ceci est déjà appliqué pour les professions para-médicale.
Face à ce non respect d’un contrat, je me demande si les médecins qui exercent plus pour l’argent que pour le bien-être des gens ne vont pas être incités à vouloir encore plus privilégier l’aspect financier de leurs prestations.
Les autres, à moins d’être complétement maso, vont devoir se poser la question d’une équitable balance entre l’intérêt de leurs patients et le leur propre.
Je suis contente de quitter un secteur qui n’a plus rien avoir avec mon idée de la médecine.
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Cet article laisse à penser que le collectivisme, le communisme ou même les républiques socialistes feraient des miracles dans le domaine de la santé (comme dans les autres d’ailleurs). L’Histoire a montré que tel n’était pas le cas, malgré la nostalgie de certains…
Il y aurait les méchants médecins libéraux de droite, d’un côté, qui ne soignent que pour l’argent et, de l’autre, les gentils partisans de gauche qui ne proposent que des soins solidaires, gratuits et humains dans l’intérêt unique des patients… La vieille rengaine du « monopole du cœur ». Une rengaine qui fait peur à l’Élysée et à une grande partie des parlementaires de la majorité qui font d’une surenchère incessante dans le social « politiquement correct » leur bouclier. La droite préfère faire une politique de gauche plutôt que de devoir affronter le réforme d’un système de protection sociale archaïque et démagogique, qui va finir par ruiner l’ensemble du système de santé. Il semble qu’il y ait surtout beaucoup de jalousie et d’hypocrisie.
Le soi-disant lobbying des médecins est aussi détestable que le lobbying anti-médecins ou plutôt anti-secteur 2.
Il est dommage que ce blog mélange régulièrement de la propagande politique à des informations objectives et pertinentes… Un classique quand on cherche à endoctriner les gens.
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Merci à tous pour ces commentaires exposant des points de vue très différents.
Annick, contente de vous retrouver. Vos commentaires – toujours judicieux – m’ont manqué.
Vous parlez de division:
« Le but étant toujours d’entretenir les rivalités, histoire de ne pas nous faire travailler ensemble dans l’intérêt du patient. »
« D’un côté on met de l’huile sur le feu du mécontentement, de l’autre, on divise en favorisant certains, et en brimant d’autres. »
J’avais eu l’occasion de le dire en parlant du CAPI et de tout ce qui est fait pour détruire la confiance des citoyens dans la protection sociale, l’assurance-maladie publique et dans tout ce qui est service public. Tout est fait pour que les intérêts des patients et ceux des médecins divergent de plus en plus, pour que chaque partie pense pouvoir s’en sortir mieux si elle ne pense qu’à elle. Manifestement, ça marche de mieux en mieux. Le CISS gueule contre les médecins, les médecins gueulent contre les patients CMU et contre les patients qui osent se mêler de ces questions, etc.
J’ai peur de ce que cela donne, parce qu’on a un exemple aux Etats-Unis, que j’ai évoqué dans une note (c’était en passant, il faudra revenir là-dessus): méfiance généralisée: les patients se sentent rejetés par les médecins – qui ressentent la même chose…
Intérêts antagonistes au lieu d’une relation faite de deux parties dont chacune a intérêt à ce que l’autre aille bien, y compris financièrement. La question est: à qui cela profite-t-il? A ceux qui ont flairé dans la santé un filon très juteux, et qui savent qu’ils ne pourront pas privatiser à souhait tant que médecins et patients feront bloc.
Par contre, en divisant, en s’adressant séparément à chaque composante des professions de santé, puis des patients, on les dresse les uns contre les autres et chacun se battra pour soi. Pensons aux patients: ceux pourvus de bonnes mutuelles vs. ceux qui s’en sortent à peine vs. ceux qui n’en ont pas vs. les bénéficiaires de la CMU vs. bénéficiaires de l’AME (aide médicale d’Etat) – les uns voient dans les autres les raisons de tous les maux, des déficits, etc.
Stéphane disait la même chose – en plus court (je tâcherai d’apprendre ;-)) : « NS [Nicolas Sarkozy] a été élu avec 53% des voix des français. Il n’a jamais menti sur son désir de dérégulation et de démontage des acquis sociaux (…). Démonter le systéme de santé français et la solidarité intrinséque du systéme ne peut être qu’un objectif pour un néolibéral. Ce que nous voyons est le fruit de cette idéologie. »
*
je suis d’accord avec vous, Stéphane. N’en déplaise à Virginie, il doit y avoir un débat, cartes sur table, sur la médecine libérale: est-elle adaptée, sous sa forme d’aujourd’hui, à sa mission? Le paiement à l’acte permet-il de faire une médecine de qualité?
L’une des principales caractéristiques d’une médecine de qualité, d’une relation médecin – patient de qualité est la disponibilité, comme le disait le Pr Claude Béraud: écouter, situer la pathologie dans le contexte multifactoriel de la vie du malade, prendre le temps pour informer comme pour débattre du pour et du contre de telle proposition thérapeutique…
Peut-on le faire lorsque beaucoup de médecins ne pensent qu’à faire de l’abattage pour gagner plus? Parce que les charges sont très importantes comme pour plusieurs autres raisons dont je ne conteste pas du tout le bien-fondé. Mais si toutes ces raisons extérieures à la médecine pèsent tellement, au point d’en entraver la qualité, alors pourquoi rien que l’idée de réfléchir à une solution autre soulève autant de protestations? (Qui ne sont pas sérieusement argumentées, me semble-t-i).
Il doit y avoir un débat public sur le CAPI, comme sur toutes ces questions. Pourquoi rien n’a été abordé ouvertement?
Pourquoi n’y a-t-il pas eu concertation avec des représentants des usagers, au moyen de mécanismes participatifs permettant la co-décision par des citoyens éclairés?
Tout cela s’est fait en cachette, entre syndicats et leurs relais au parlement, entre assurance-maladie et médecins, sans aucune information des principaux intéressés, à savoir les malades.
Peut-on raisonnablement s’attendre à ce que les malades – réduits encore une fois à des objets de soins incapables de se prononcer, mais capables de payer (les autres, les non solvables, on les dégage de plus en plus) – apprécient cette façon de faire?
On peut dire ce qu’on veut de ce coup de gueule, qui n’est pas que le mien, vu les références citées… Virginie, il est trop facile d’esquiver la réponse aux questions légitimes soulevées dans les textes cités en jetant le doute sur celui qui parle… C’est un sophisme, un raisonnement logique fallacieux destiné à détourner l’attention du problème vers la personne qui l’a exposé…
« Indoctriner les gens »…
Vous êtes libre de penser ce que vous voulez, et, comme toujours, on trouve dans un texte ce qu’on y cherche, et on le lit par le prisme de ce qui nous touche comme de nos mécanismes de défense et de notre façon de rationaliser nos actions comme notre façon de penser et d’agir.
RES PUBLICA
La chose publique…
Ce que vous oubliez, Virginie, c’est ce que j’ai dit dès le départ, ici comme ailleurs. Je suis une républicaine, et ce n’est pas un mot vide de sens.
La République est un pacte politique certes, mais aussi un pacte SOCIAL. C’est à la communauté politique de citoyens de se prononcer sur tout ce qui touche à l’intérêt général. De telles questions (CAPI, rémunérations des médecins, forme de médecine la plus adaptée pour telle ou telle mission, objet et fonction sociale de la médecine, encadrement éthique et limites de son exercice, etc.) doivent être explicitement thématisées dans le débat public, au moyen de formes de participation à la co-décision telles les conventions de citoyens.
Ce n’est pas une corporation qui décide, en République.
La révolution (celle française, pas celle bolchévique, je vous rassure, Virginie) a mis fin aux privilèges de l’Ancien régime et aux corporations.
(Les ressusciter n’apporterait rien de bon. Divisions et déchirements à la base, profits pour une poignée en haut de la pyramide…)
le pacte social et politique a la solidarité pour concept fondamental et principe de structuration des actions cohérentes avec le républicanisme.
Je renvoie là-dessus aux ouvrages de l’excellent historien de la République Claude NICOLET et de Marcel GAUCHET, tout aussi excellent historien et philosophe de la Révolution française.
Ni l’un ni l’autre ne sont « communistes »… Et moi non plus, d’ailleurs, même si je n’ai pas à me justifier sur mes opinions politiques.
KANT ne l’était pas non plus, or c’est lui qui a posé les fondements théoriques, philosophiques, juridiques et éthiques, du républicanisme.
Les deux racines du républicanisme moderne et contemporain (Kant sur le plan théorique, la Révolution française sur le plan historique et politique) se sont entrelacées sous la IIIème République, sous la plume d’un penseur tel Renouvier.
Je pense que ces lectures s’imposent, et il est de mon devoir de philosophe de rappeler / enseigner ce que c’est que la citoyenneté (les devoirs du citoyen), ce qu’est la République avec ses principes fondateurs (issus du pacte social et politique) – et de les défendre face aux dévoiements actuels. Virginie, vous parlez d' »indoctriner les gens » à partir de positions idéologiques.
On peut être républicain de droite comme de gauche, qu’importe, du moment qu’on en respecte les principes, et notamment la solidarité dont je parlais dès le départ de ce billet d’humeur (et assumé comme tel). Non pas indoctriner, parce que le républicanisme est au-dessus de la mêlée des opinions partisanes, des querelles de parti et d’intérêts particularistes, des idéologies quelles qu’elles soient.
Pas INDOCTRINER, mais INSTRUIRE – et je reste fidèle à la IIIème République -, voilà ma fonction sociale de citoyen et philosophe.
Instruire sur la solidarité républicaine, contribuer par mes modestes moyens à empêcher les idéologiques – comme la vôtre, Virginie, ou comme celle de gauche) de la vider de sa substance en l’utilisant à tort et à travers, rappeler son sens historique…
Voilà, avec le rappel des positions morales et la distinction entre morale et éthiques, etc., la raison d’être de ce blog. Autrement, je me limiterais à des dépêches d’agence de presse ou à des traductions.
Ce serait peut-être plus simple, mais si j’avais cherché la simplicité, Pharmacritique n’aurait jamais existé.
Bien à vous,
Elena
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Réponse à « Ghisoni »
Vous dites: « remarquez que le capi n’a attiré que dix poucent des médecins avec une forte pression de la cpam. Quatre vingt dix pour cent n’ont pas signé. »
Euhhh, la réalité est un peu différente. en fait, toute la presse médicale dit la même chose: la divine surprise de l’assurance-maladie, qui ne s’attendait pas à un tel succès du CAPI, surtout que les syndicats avaient manifesté leur opposition, sans parler du CNOM (conseil de l’ordre des médecins). Ils voulaient 10.000 contrats CAPI signés en 2009, ils ont eu 10.000 signatures en quelques mois… Cela n’est pas fini, ça va continuer.
Sur un autre point, vous dites: « La consultation du généraliste 22€ c’est le prix d’une coupe de cheveux! les deux se suivent depuis 25 ans , ne vous étonnez donc pas s’il manque des généralistes dans les déserts, demain ils manqueront dans les villes aussi. »
Je pense que c’est un argument qui ne tient pas la route. je ne suis pas d’accord avec cette comparaison, mais commence quand même par répondre dans vos termes: le coiffeur ne fait pas une coupe de cheveux pour 22 euros en 10 minutes. Il n’a pas non plus des revenus forfaitaires, par exemple pour les malades chroniques, etc. Il ne me semble pas que les coiffeurs aient eu des revenus de plus de 70.000 euros annuels.
Laissons les comparaisons douteuses de côté. Personne ne dit que les médecins généralistes de secteur 1 sont correctement rémunérés. J’ai dit à plusieurs reprises que cette revendication de revalorisation du tarif de consultation (C) me paraissait juste. Ce qui serait encore plus juste, c’est de trouver des moyens de rémunération qui permettent une médecine de qualité, impossible lorsque le paiement à l’acte impose aux médecins d’avoir les yeux rivés sur la montre plutôt que sur ce que le malade a à dire…
Et ce que j’ai dit, surtout, c’est que tout cela doit se décider de concert. la médecine n’est pas un art où l’artiste ferait joujou avec un matériau, comme il veut, dans une libéralité comprise comme arbitraire.
la médecine est une relation à deux parties, deux sujets – et non pas un sujet et un matériau -, et c’est aux deux qu’il convient de prendre les décisions, dans la relation individuelle médecin – patient, comme sur un plan général. rien de ce qui touche à l’exercice de la médecine ne devrait se décider par une seule de ces deux parties constitutives.
Le médecin est mandataire des intérêts de la santé de son patient, et cette santé a des déterminations socio-économiques très fortes. Une médecine qui ne s’intéresse pas du tout à la situation économique des malades, à leur capacité de payer pour se soigner, c’est une médecine qui a rompu le pacte de solidarité républicaine et rétabli la pensée corporatiste, version de la pensée identitaire qu’on voit se manifester sous diverses formes, mettant en danger l’existence même de l’espace public politique républicain comme cadre permettant de dégager l’intérêt général, le bien commun.
Faut-il le redire encore et encore?
Les revendications justes des généralistes ne sont pas en cause. Mais même là, elles doivent être discutées et portées par l’ensemble des citoyens, et s’inscrire dans une démarche qui cherche l’équilibre pour les deux parties prenantes dans cette profession de relation qu’est la médecine.
je voudrais que les syndicats, que la presse médicale, que les autres organisations comme les médecins pris séparément se battent non seulement pour eux, mais aussi contre les franchises médicales, contre les hausses des divers forfaits et des prix des mutuelles, contre la taxation toujours plus forte des malades, quelle qu’en soit la forme.
J’aurais aimé voir les médecins se solidariser avec la grande manifestations des handicapés, venus demander comment survivre avec 618 (ou 628?) euros par moi, sachant qu’il y a les franchises à payer, les auxiliaires de vie à payer, etc.
Christian Lehmann a fait ce qui est le devoir de tout médecin (avec Bruno Pascal Chevalier, bien sûr, mais là, je parle uniquement des médecins). Là, je dis chapeau! Comme au SMG pour certaines de ses prises de position.
Comme à ces psychiatres de « Nuit sécuritaire » qui se sont unis pour défendre l’intérêt de leurs patients, menacés par les fantasmes sécuritaires de nos hommes politiques et d’une idéologie droitière mâtinée de politique-spectacle, à coups d’annonces médiatiques et de mise en avant de politiques volontaristes réprimant les plus faibles et sans défense. Cette action-là est exemplaire: là, le médecin est le mandataire des intérêts de la santé de ses patients comme de ses intérêts particuliers, dont personne ne nie l’importance. Personne sur Pharmacritique n’a demandé que les médecins meurent de faim, loin de là, ni porté un discours populiste les stigmatisant.
Non, ce que j’ai fait, c’est un rappel des principes républicains, et notamment de la solidarité, pour dire que nous – usagers et médecins – ne devons pas oublier que nous sommes unis par une relation qui n’a pas son pareil ailleurs, et que cette relation – pour le maintien duquel c’est la collectivité qui paie – nous oblige à travailler de concert, à pousser des coups de gueule de concert, à ne pas nous laisser nous diviser, ne pas nous trahir pour 30 argents.
Quant au CAPI, il est indéfendable d’un point de vue éthique. Le Pr Béraud a attiré à juste titre mon attention sur une autre tare de ce contrat: le CAPI rémunère des objectifs chiffrés, mais rien ne dit que ces objectifs correspondent dans les faits à une amélioration de la santé des patients…
A Pierre
Quant aux dépassements d’honoraires, Pierre le dit mieux que moi: « Les compléments d’honoraires réclamés par les spécialistes du service public me sont insupportables ( surtout s’ils sont remboursés par les mutuelles ). »
Pierre, je vous rejoins à 1000 % lorsque vous parlez du « pourrissement d’un système où l’argent roi oublie les hommes, leurs réalités, leurs diversités » – j’ajouterais les déterminants socio-économiques, à l’origine de tant d’inégalités en santé…
Merci de nous faire part de votre expérience, il n’y a pas trop de « je », vous parlez en tant que témoin de votre temps.
A DocPP
Je n’ai pas eu le temps de suivre le lien; j’espère qu’il ne s’agit pas d’une énième rationalisation du refus de soins aux bénéficiaires de la CMU… Parce que je trouve cela de plus en plus révoltant.
C’est là-dessus que je me suis emportée dans la discussion avec vous, Marc, comme sur la tentative de justifier la remise en cause du « contrat social » à la Rousseau. Anne a essayé de vous expliquer pourquoi: je rencontre sur le terrain certains de ceux que les médecins ont rejetés, humiliés, ceux auxquels ils ont infligé une souffrance morale qui se rajoute à leurs maladies.
Oui, je suis très sensible à ces aspects, parce que j’ai vu beaucoup de drames, de situations catastrophiques dont la plupart des médecins semblent tellement éloignés qu’ils n’arrivent même pas à comprendre ce qui s’y joue dans ces situations de misère et de détresse… Comment soigner, alors? Par les médicaments prescrits au bout d’une consultation de 10 minutes? Dans une indifférence qu’expriment très bien les yeux rivés sur la montre… Dans un refus de comprendre des situations qui sont plus complexes que celles décrites dans les livres de médecine.
Bref, j’ai une expérience de terrain qui me fait rencontrer ceux qui souffrent – pas seulement du fait de l’absence de couverture-maladie, vous l’aurez compris – et qui sont rejetés par le corps médical. Vous n’imaginez pas quelles histoires je peux entendre…
Alors oui, il m’arrive de m’emporter. De dénoncer les dérapages dans la relation médecin – patient, les dérapages de toute sorte, les divergences de plus en plus grandes entre médecins et patients, dont on dirait parfois qu’ils ne vivent pas sur la même planète.
Dans notre échange concret, Marc, je ne pense pas avoir eu tort sur le fond. La forme n’a pas été la meilleure, c’est certain. Désolée si cela vous a blessé personnellement; il n’y avait nulle intention de ce genre.
Après, je ne peux pas réinterpréter le contrat social de Rousseau, ni accepter qu’on le maltraite pour justifier des positions contraires aux principes républicains. Rien dans votre façon d’écrire ne me paraissait aller dans le sens de la critique, c’est-à-dire au-delà de la justification d’un état des choses que je dénonçais – et dénonce toujours, d’ailleurs.
Alors voilà, maintenant à vous de voir.
J’arrête pour ce soir. grosse fatigue. J’espère quand même que les réponses sont à peu près lisibles. Mes excuses si ce n’est pas le cas; je les referai un autre jour.
Continuons les échanges, débattons! J’apprends beaucoup, quelles que soient les positions. Merci.
Elena
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Je suis médecin généraliste et installée depuis peu. J’étais auparavant salariée dans un centre de santé à but non lucratif, avec beaucoup de patients en situation précaire, ne parlant pas toujours le français, et j’ai démissionné quand on m’a demandé … de prendre un patient toutes les 10 minutes! Car un centre de santé même à but non lucratif, cela coûte cher. C’est un raccourci que de croire que le salariat des médecins garantit une bonne prise en charge des patients, sans vision mercantile. Ceux qui travaillent à l’hôpital se demandent d’ailleurs parfois où l’on va s’arrêter dans la « rentabilisation » des services hospitaliers. Cela ne veut pas dire que des économies ne peuvent pas être réalisées. Nous devrions nous battre ensemble (professionnels et patients) pour éviter les dépenses inutiles, au lieu de nous critiquer les uns les autres.
D’autre part, il me semble qu’une revendication des médecins est la reconnaissance par la société de leurs difficultés professionnelles, avec un métier passionnant mais stressant, des responsabilités élevées et un niveau d’exigence toujours croissant de la part des patients. Les chiffres de burn out et de suicide seraient comparables à ceux des salariés sans compter les meurtres et agressions.
Les revendications financières des médecins peuvent choquer, mais lorsque 1000 postes par an ne sont pas pourvus en médecine générale, que les étudiants préfèrent repasser le concours de l’internat plutôt que de choisir cette filière, il faut bien se poser la question de l’attractivité de la profession.
J’avais écrit le texte ci dessus hier avant de lire (en diagonale car il est tard) votre dernier message. Il y aurait tant à dire et à réfléchir sur le système de soins et la relation médecin-patient….
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A pharmacritique
vous parlez souvent de consultations de 10 minutes ce qui ferait 6 consultations par heure , la moyenne est en fait de 16 minutes ( cf l’étude la DRESS) soit environ 4 consultations par heure
Cliquer pour accéder à er481.pdf
A titre personnel je prend 3 RV par heure (et je suis souvent en retard ) pour privilégier l’écoute et la prise en charge globale du patient et pas seulement répondre au problème ponctuel motivant la consultation
mais je suis tout à fait conscient que le paiement à l’acte a des effets pervers car il pousse à la multiplication des actes ne serait que pour payer ses charges
Par ailleurs je suis surpris par le décalage entre l’explosion des chiffres de grippe annoncés dans les médias et le peu de cas vu au cabinet ( en moyenne 2 à 3 par semaine ) alors que dans les épidémies de grippe saisonnière ça pouvait aller jusqu’à 10 à 20 par jour
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La médecine et la chirurgie sont des activités qui attirent désormais peu de gens et ceci depuis de nombreuses années.
La faiblesse de la rémunération des actes et les contraintes toujours plus importantes en sont responsables.
Ceci est aggravé par une société centré sur les intérêts individuels.
Il faut me montrer les métiers où les praticiens sont aussi impliqués dans une activité d’intérêt général.
Il faut aussi me montrer les activités aussi régulées, montrées du doigt et culpabilisées.
La tutelle de Santé sait très bien qu’elle maintient un niveau de santé politiquement correct grâce aux efforts des professionnels.
Le secteur optionnel arrive bien tard pour des médecins abusés par le secteur 1 il y a une vingtaine d’années.
Pour les « dépassements » d’honoraires, d’ailleurs institué par l’Etat il y a quelques années, son pourcentage est le plus élévé chez les Professeurs travaillant à l’Hôpital Public et en particulier à Paris. Ces Professeurs sont les praticiens les plus inaccessibles à la population.
Respectons la médecine libérale qui permet à la population un accès large à une médecine moderne grâce à son efficacité et son organisation. 75% de la chirurgie est réalisée en Hôpital Privé.
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