Raptiva: risque d’infections graves, telles la leucoencéphalopathie multifocale progressive, selon Santé Canada

Le 22 décembre 2008, la pharmacovigilance canadienne et la firme Serono ont rendue publique une mise en garde sur les effets secondaires de l’anticorps monoclonal humanisé  éfalizumab, autorisé dans le traitement du psoriasis en plaques sous le nom de Raptiva°. Parmi les effets indésirables figure la LEMP et d’autres.

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« Des infections, dont certaines graves et menant à des hospitalisations ou à des décès, ont été signalées chez des patients traités avec Raptiva. Ces infections comprennent des septicémies d’origine bactérienne, des méningites virales, le zona, des maladies fongiques invasives, des infections causées par le virus John Cunningham (JC) ayant mené à la LEMP [leucoencéphalopathie multifocale progressive] et d’autres infections opportunistes. La LEMP est une maladie progressive rare qui entraîne une démyélinisation du système nerveux central et qui peut provoquer la mort ou une invalidité grave. La LEMP est causée par la réactivation du virus JC, qui est généralement présent sous forme latente chez jusqu’à 80 % des adultes en santé.  Le virus JC ne cause en général la LEMP que chez les patients présentant un déficit immunitaire. »

Les détails sont sur cette page de Santé Canada.

Il faut noter qu’il n’y a que très peu de cas de LEMP ; cela dit la mise en garde et la modification du RCP [Résumé des caractéristiques du produit] vise à ce que les médecins avertis reconnaissent immédiatement les éventuels symptômes neurologiques et arrêtent définitivement le traitement par Raptiva. « Une évaluation faite par un neurologue, une IRM cérébrale et une ponction lombaire seraient indiquées dans ce cas. » Le traitement doit être interrompu aussi en cas d’apparition d’une infection grave.

Le RCP états-unien (résumé des caractéristiques du produit), publié sur le site de la firme de biotechnologie Genentech, qui a développé le Raptiva, commence par un « label noir » (avertissement le plus fort imposé par la pharmacovigilance américaine) parlant du risque d’infections sévères et de leucoencéphalopathie multifocale progressive. Les mises en garde, à partir de la ligne 156, sont détaillées quant aux infections, mais aussi quant aux complications neurologiques qui peuvent survenir : en plus de la paralysie faciale, évoquée par le RCP européen, il est question de myélite transverse, syndrome de Guillain-Barré, polyradiculoneuropathie démyélinante inflammatoire chronique. A ceux-ci s’ajoutent d’autres effets secondaires possibles, listés à partir de la ligne 360.

Le RCP européen ne parle pas de LEMP, mais donne d’autres détails

Pour une description de Raptiva et d’autres mises en garde et effets secondaires, on peut se rapporter au RCP établi par l’agence européenne du médicament (EMEA), accessible en français sur cette page. En plus des infections, il y est question aussi de risques de polyradiculonévrite inflammatoire, anémie hémolytique sévère, arthrite, aggravation du psoriasis, réactions d’hypersensibilité et allergies, thrombocytopénie, etc. Le RCP n’exclut pas la possible survenue de néoplasies bénignes et malignes et de syndromes lymphoprolifératifs (comme dans le cas des inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale (TNF) tels Enbrel° (étanercept), Remicade° (infliximab), Humira° (adalimumab) et Cimzia° (certolizumab pegol) ; voir cette note). Par ailleurs, tous ces biomédicaments ont des effets indésirables communs, de par leur appartenance à la même classe, et ils sont donc tous susceptibles d’induire une leucoencéphalopathie multifocale progressive. Y compris le Tysabri° (natalizumab), prescrit dans la sclérose en plaques, et pour lequel des cas de LEMP ont été signalés.

Parmi les effets indésirables, le RCP de Raptiva énumère « des symptômes pseudo-grippaux aigus, dose-dépendants et d’intensité légère à modérée, tels que des maux de tête, une fièvre, des frissons, des nausées et des myalgies » (p. 6), mais aussi hyperleucocytose et hyperlymphocytose, méningite aseptique, paralysie faciale (dite paralysie de Bell), pneumonie interstitielle, arthralgies, douleurs dorsales, asthénie, érythème polymorphe, réactions au site d’injection.

(Le Raptiva ayant eu une autorisation européenne de mise sur le marché en 2004, le RCP français contenu dans le Vidal reprend ces mêmes informations, alors qu’il est beaucoup moins loquace lorsqu’il s’agit de médicaments, généralement plus anciens, ayant eu des autorisations françaises…).

Leucoencéphalopathie multifocale progressive sous MabThéra°

A noter que l’AFSSAPS (l’agence française du médicament) a rendue publique en novembre 2008 une mise en garde de la firme Roche quant à un cas de leucoencéphalopathie multifocale progressive à issue fatale survenue sous MabThera° (rituximab), autre anticorps monoclonal utilisé dans le traitement du lymphome non-hodgkinien et de la polyarthrite rhumatoïde.

La mise en garde énumère certains symptômes qui doivent alerter : « des troubles de la vision, des troubles moteurs, une atteinte cognitive généralement associée à une maladresse, une cécité, une faiblesse importante telle qu’une hémiparésie et des modifications du comportement. Les signes additionnels sont des déficits sensoriels, des vertiges et des crises convulsives ».

Des précisions sur le nombre de cas : « Au 29 juillet 2008, 76 cas de LEMP suspectée ou confirmée ont été enregistrés, dans la base de données globale de pharmacovigilance, chez des patients traités par MabThera® dans des indications validées ou non par l’AMM (69 cas dans des indications d’oncologie, 1 cas dans une indication hématologique (anémie hémolytique auto-immune), 5 cas dans les maladies auto-immunes et 1 cas dans une indication inconnue). »

L’illustration

est tirée de cette page du John Hopkins Arthritis Center, qui parle par ailleurs d’une enquête française sur l’arthrite psoriasique comme effet indésirable du traitement du psoriasis en plaques par Raptiva. Son incidence serait de 3,5%. Toutes les notes parlant des effets indésirables de ces biomédicaments paraîtront sous la catégorie « Avastin, Enbrel, anticorps monoclonaux, anti TNF« .

Elena Pasca

3 réflexions au sujet de “Raptiva: risque d’infections graves, telles la leucoencéphalopathie multifocale progressive, selon Santé Canada”

  1. Manifestement les anticorps monoclonaux ne sont pas des médicaments anodins utilisables en première intention. Leurs indications doivent être bien pesées en terme de bénéfice additionnel et par rapport aux risques déjà connus. Mais la connaissance imparfaite de la complexité de leur mode d’action est à l’origine d’une incertitude sur des risques iatrogènes imprévisibles et à venir en terme de fréquence, d’ampleur et de consèquences. Ceci peut expliquer que le RCP(résumé des caractéristiques cliniques) délivré à un instant t par les autorités de tutelle puisse sembler minorer des risques qui ne deviennent accessibles que plus tardivement. Outre que les cellules de pharmacovigilance des agences européenne et nationale doivent réagir vite pour informer et proposer des options de managment des risques, elles doivent aussi avoir au sein des agences le poids nécessaire pour imposer leurs vues faces à tous les temporisateurs qui demandent d’attendre encore un peu pour voir. Il faut savoir que dans ces cas les compagnies pharmaceutiques sonnent le toscin de la période de crise et préparent des « communication package » explicitant ce qui peut être dit, par qui en interne comme en externe (c’est le moment de sonner le rappel des médecins appointés) et à qui en interne comme en externe – patient, famille, médecin, journaliste-. L’objectif premier des industriels est d’éviter le retrait du marché. Ils déploient donc des efforts pour documenter la sécurité (réalisée à partir d’un historique scientifique inadapté à la situation nouvelle) plutôt que la mise en oeuvre d’investigations pour documenter le nouveau risque, même s’ils ont font souvent un petit peu… tout de même ! Sur le plan conceptuel, ils mettent en oeuvre un biais de confirmation des attentes de protection d’un chiffre d’affaires plutôt que d’une tentative de contribution pertinente à éclairer la nouvelle situation. Le conformisme ambiant des collaborateurs des laboratoires est à l’origine d’une sous estimation du risque et d’une temporisation tout en donnant l’impression qu’un plan d’action spécifique a été mis en place et devrait donner plus de précisions… D’ici là, l’actualité sera passée à autre chose… et l’on s’en tirera avec un allongement de la liste des précautions à prendre lors de l’usage du médicament… mais le chiffre d’affaire aura été préservé…et les délégués médicaux pourront reprendre leur travail d’information médicale non partisane ! Bien sûr tous les cas sont différents et il peut aussi y avoir des retraits du marché…parfois un peu tardifs…J’ai ici souhaité vous donner une perspective de base. Pour vous en convaincre, appeler directement le laboratoire pour vous rendre compte de l’opacité zélèe des informations que vous obtiendrez sur la situation. Ce qu’il y a de certain, c’est que dans ces cas la sécurité des patients ne peut pas être confiée aux laboratoires ! Bonne journée. Sophia Emic.

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  2. « Ce qu’il y a de certain, c’est que dans ces cas la sécurité des patients ne peut pas être confiée aux laboratoires ! »
    Et pourtant, la Commission européenne veut céder bon nombre de prérogatives des agences nationales du médicament en matière de pharmacovigilance aux firmes…
    Sophia, merci pour ces excellentes remarques, qui mériteraient d’être mis en forme et développées dans une note, surtout compte tenu de l’actualité de la question (le « paquet pharmaceutique » de la Commission européenne). Et puis, les patients et le grand public doivent comprendre comment cela se passe en réalité, pas sur le papier, lorsqu’on annonce un « plan de gestion des risques », comme pour le Gardasil…
    quant au test que vous suggérez, je l’ai fait, avec plusieurs personnes: nous avons parlé d’effets secondaires plus ou moins proches au laboratoire produisant un médicament. Effets secondaires parfaitement connus depuis les essais cliniques et décrits dans les notices étrangères, y compris à travers les signalements. Sans parler de la littérature médicale sur le sujet… vous voyez, c’était bien préparé…
    La réponse a été que cela ne pouvait pas être dû au médicament en question, que la firme n’a jamais entendu parler de cela, que la personne devait être un cas isolé dont les symptômes étaient dû à autre chose ou peut-être au stress… Mais que le chargé de pharmacovigilance du laboratoire allait noter soigneusement tous les symptômes, au cas où…
    quelques jours plus tard, une autre personne appelle, avec des symptômes proches. Et devinez quoi? On lui sert exactement le même discours. Et ainsi de suite. C’est toujours un cas isolé, unique, la firme n’a toujours jamais entendu parlé de quelque chose dans le genre et ses médicaments sont sûrs; l’information française est complète, etc.
    En attendant une note,
    Cordialement.

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